S'il assume sa part de "responsabilité" face au chômage, François Rebsamen, qui démissionne mercredi du gouvernement, estime que "le ministre du Travail ne peut pas, à lui seul, endiguer la hausse", dans une interview à l'AFP.
Le maire de Dijon, dont la date de départ effectif n'est pas fixée, consacrera ses derniers jours rue de Grenelle à la rédaction de notes pour son successeur, qui devra "avoir la ligne directe" avec le président et le Premier ministre.
QUESTION: Quand quitterez-vous vos fonctions ?
REPONSE: Je ne sais pas. Cela relève du président et du Premier ministre. J'ai quelques jours pour transmettre les dossiers à mon successeur, notamment en vue de la conférence sociale des 19 et 20 octobre.
Q: Serez-vous là pour commenter les chiffres de Pôle emploi le 26 août ?
R: Oui, je pense.
Q: Quel doit être le profil de votre successeur?
R: Je ne donne pas de nom et je ne me permets pas de juger ceux qui ont été cités. Mais je pense qu'il faut être en lien étroit avec le président et le Premier ministre. Il faut avoir la ligne directe avec eux.
Q: Fin 2014, vous aviez parlé d'échec collectif face au chômage. Individuellement, l'assumez-vous ?
R: Oui, bien sûr, on ne s'exonère pas de sa propre responsabilité. Mais depuis M. (Jean-Louis) Borloo, parmi tous les ministres du Travail qui se sont succédé, que ce soit MM. (Eric) Woerth, (Xavier) Bertrand, (Xavier) Darcos, (Brice) Hortefeux, (Michel) Sapin, personne n'est arrivé à endiguer la montée du chômage. Le ministre du Travail est en bout de chaîne, il ne peut pas, à lui seul, endiguer la hausse du chômage. Par contre, il peut lancer un certain nombre de dispositifs pour préparer sa résorption quand l'économie repart. C'est ce que nous avons fait.
Q: Pensez-vous toujours qu'il y aura une "baisse effective" du chômage "à la fin de l'année" ?
R: Si la croissance atteint entre 1,2% et 1,5%, comme prévu, à la fin de l'année, mécaniquement, le chômage baissera. S'il n'y a pas de croissance, ce ne sera pas le cas. On est tributaire, en partie, de la croissance.
Q: Quelle trace laisserez-vous au ministère du Travail ?
R: La loi sur le dialogue social, une loi de progrès social. Elle modernise le dialogue social au sein de l'entreprise, en renforçant la participation des salariés à la vie de l'entreprise. Ca, ça restera. Incontestablement. Et on aura en même temps assoupli, facilité, simplifié la vie des entreprises. Je pourrais citer deux avancées qui me touchent particulièrement: la simplification du compte de prévention de la pénibilité et le début de reconnaissance du syndrome d'épuisement professionnel, le burn out. Voilà des choses qui resteront.
Q: Plusieurs dossiers sociaux ont été traités par la loi Macron, vous êtes-vous senti dépossédé ?
R: La loi Macron est très vaste et c'est mon ministère qui a préparé sa partie "travail". Je ne me suis pas senti dépossédé parce que j'avais obtenu du Premier ministre de défendre ce chapitre. Je n'ai pas pu pour des raisons de calendrier.
Q: Emmanuel Macron s'est aussi beaucoup exprimé sur le marché du travail...
R: ... et sur le code du travail, oui. Je lui ai dit qu'il était ministre de l'Economie et moi, ministre du Travail. J'ai rappelé les choses.
Q: Vos propos ont souvent fait polémique. Y a-t-il trop de tabous dans l'économie française ?
R: Je pense qu'on est souvent figé dans des dogmes, qui sont des freins quand on n'arrive pas à les faire bouger par le dialogue social. On ne peut pas passer en force sur ces sujets, mais on a le droit de les mettre sur la table sans être brocardé. J'ai parlé, par exemple, du contrôle de la recherche d'emploi des chômeurs. Ce n'est pas du flicage. Cela entrera en application au 1er septembre et ça a permis, dans les régions d'expérimentation, de repérer des gens en total décrochage. C'est une manière de responsabiliser les demandeurs d'emploi, qui ont des droits et des devoirs. Ce qui me choque, c'est que les devoirs passent toujours derrière les droits. Pour moi, ils sont sur un pied d'égalité.