A l'heure de boucler son budget, le gouvernement va augmenter la "décote" fiscale, tout en réduisant le "déficit public", sans oublier de "sanctuariser" ses mesures d'aides aux entreprises : petit précis de jargon budgétaire.
La "DECOTE" permet de réduire l'impôt sur le revenu. Elle est indépendante de l'inflation, et ne s'applique pas au niveau du barème mais au niveau de l'avis d'imposition lui-même. Il s'agit d'un rabais jusqu'ici réservé aux contribuables devant verser moins de 1.135 euros pour un célibataire et 1.870 euros pour un couple marié, qui peut aller jusqu'à effacer complètement l'ardoise. Le gouvernement va renforcer ce système pour une baisse totale de l'impôt sur le revenu de 2 milliards d'euros, mais n'a pas précisé jusqu'ici les modalités exactes de cette réforme de la décote.
"IMPOT DIRECT" OU "INDIRECT", "CONTRIBUTION", "REDEVANCE", "COTISATION", "TAXE": quelle différence?
Le terme générique "IMPOT" désigne tout "versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques et aux institutions européennes" (Insee). Cette catégorie se divise entre impôts "directs", payés directement par ceux qui y sont soumis (principalement l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés) et impôts "indirects", lesquels portent sur des actions de la vie courante (consommer, se loger etc.) et qui ont souvent l'appellation de "taxes". Celui qui les paye n'est pas celui qui les verse à l'Etat. Exemple emblématique: la TVA, que supportent les consommateurs, mais qui est reversée à l'Etat par les entreprises.
Les "contributions", comme la CSG, sont des impôts dédiés, censés financer un projet particulier, en l'occurrence la Sécurité sociale.
Les "redevances" servent à financer un service public, à condition d'en profiter. La "redevance audiovisuelle" est ainsi devenue la "contribution à l'audiovisuel public", puisqu'elle est désormais rattachée à la taxe d'habitation, et non plus seulement à la propriété d'un téléviseur.
Les "cotisations", enfin, sont des prélèvements qui ouvrent la voie à une prestation, par exemple toucher des indemnités chômage, ou une retraite.
"DEFICIT BUDGETAIRE", "DEFICIT PUBLIC" et "DETTE", sont des termes devenus familiers. Le "déficit budgétaire" apparaît lorsque l'Etat ne peut équilibrer son budget, c'est-à-dire lorsqu'il dépense plus qu'il ne gagne. Le "déficit public" prend en compte aussi les "trous" dans les régimes d'assurance sociale et les collectivités territoriales. C'est ce dernier que scrute la Commission européenne: selon les traités, il est censé ne pas dépasser 3% du Produit intérieur brut (PIB).
Pour combler ces déficits, l'Etat emprunte sur les marchés financiers (et parfois, plus rarement, directement auprès des citoyens). Ces emprunts accumulés constituent la "dette publique". Cette dette génère des intérêts, que l'Etat doit payer à intervalles réguliers. Ces intérêts constituent l'un des postes de dépense les plus importants du budget, même s'il a tendance à se réduire ces dernières années grâce à des taux d'intérêt très bas.
Si la France est tenue de payer les intérêts, ce que l'on appelle en jargon budgétaire assurer le "service de la dette", en revanche il n'est pas question pour elle de rembourser le capital comme le ferait un ménage par exemple. Quand une créance de l'Etat arrive à échéance, il la rembourse en contractant un autre emprunt, et ainsi de suite, du moins tant que les marchés jouent le jeu. Ce que l'on appelle en anglais "rouler sa dette".
"SANCTUARISER" le "PACTE", qui comprend le "CICE": phrase régulièrement répétée par le gouvernement, et pas seulement pour rassurer le patronat. Il s'agit de donner à une des mesures phares du quinquennat Hollande un caractère intangible et surtout pérenne. Créé en premier fin 2012, le "crédit d'impôt compétitivité emploi" (CICE) permet aux entreprises de retrancher de leur impôt sur les sociétés l'équivalent de 6% de leur masse salariale rémunérée sous 2,5 Smic (3.750 euros mensuels brut). Il a été rejoint en 2014 par une série d'autres aides aux entreprises, contenues dans le "pacte de responsabilité", qui se traduisent par des baisses de cotisations et des baisses fiscales. Le gouvernement étudie actuellement le moyen de le rendre permanent en transformant en simples baisses de prélèvements le crédit d'impôt, outil complexe qui oblige à des allers-retours entre l'entreprise et l'administration, et avec une année de décalage.
Pour peaufiner toutes ces données et observer leur évolution, le ministère des Finances, répondant souvent au petit nom de "Bercy", travaille à "CRANTER" des dispositifs - entendre: les arrimer dans l'esprit des uns et des autres pour tester leur popularité et/ou leur faisabilité - en se référant au "COMPTE", "projection comptable et budgétaire de tout ce qui se fait" solennellement consignée par le Trésor.
Pour "cranter" ou "sanctuariser", il faut tenir serrés les cordons de la bourse. Dans les couloirs du ministère, vaisseau posé sur la Seine, on s'amuse de cette réputation de pingrerie, en se jetant à la figure d'énigmatiques "CBQB", pour moquer le monde extérieur si prompt à expliquer que "C'est Bercy Qui Bloque".