Statu quo ou assouplissement monétaire ? La Banque du Japon (BoJ), confrontée à un choix cornélien face au risque de rechute en récession de l'économie, a finalement décidé vendredi de maintenir en l'état sa politique monétaire.
Si un certain nombre d'analystes pariaient sur un geste, ce statu quo n'a guère provoqué d'émoi sur les marchés: l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo n'a chuté que ponctuellement, tout comme le dollar face au yen, avant que les deux ne se redressent.
Le gouverneur Haruhiko Kuroda, qui avait surpris tout le monde il y a tout juste un an en augmentant son programme de rachat d'actifs, n'a donc pas sorti le grand jeu, malgré l'essoufflement de la stratégie de relance "abenomics".
Cette décision n'a été assortie d'aucun commentaire, la Banque du Japon les réservant pour plus tard dans la journée, quand elle publiera son rapport économique semestriel.
M. Kuroda a également prévu de donner une conférence de presse. Son discours sera disséqué, alors qu'il a tenu jusqu'à présent des propos résolument optimistes, mettant en avant la "reprise modérée" de l'économie.
Les statistiques du mois de septembre, publiées jeudi et vendredi, ont brossé un tableau en demi-teinte.
En septembre, la consommation des ménages, qui compte pour quelque 60% du produit intérieur brut, a accusé une baisse surprise (-0,4% sur un an).
Les Cassandre font aussi remarquer que l'inflation vacille dangereusement. Hors ceux des produits périssables, les prix à la consommation se sont repliés de 0,1% sur un an.
Ils avaient diminué d'autant en août, pour la première fois depuis le lancement en avril 2013 par la BoJ de sa vaste offensive monétaire précisément destinée à vaincre la déflation, ce cycle paralysant de baisse des prix et des salaires.
Si on exclut l'alimentation et l'énergie, les prix ont cependant progressé de 0,9% en septembre, contre +0,8% en août, un indicateur que met régulièrement en avant le gouverneur de la BoJ pour arguer de l'efficacité de sa politique. Selon lui, l'inflation repartira de plus belle quand les effets de la chute des cours du baril de pétrole se seront dissipés.
- La BoJ ne peut pas tout -
Voilà qui a pu faire pencher la balance en direction du statu quo, selon certains observateurs.
Et les mêmes de mettre aussi en avant les chiffres du marché du travail. Le taux de chômage s'est maintenu en septembre à 3,4% de la population active et les conditions d'emploi se sont encore améliorées avec 124 offres pour 100 demandes, du jamais vu en 23 ans.
Enfin, la production industrielle a rebondi sur la période.
M. Kuroda n'a jusqu'à présent pas semblé très enclin à donner un coup de pouce supplémentaire à l'économie, d'autant que la politique monétaire ne peut pas tout, répète-t-il souvent, exhortant le gouvernement de Shinzo Abe à accélérer les réformes structurelles.
Le levier actionné par la BoJ a montré ses limites: la dépréciation du yen n'a pas eu l'effet escompté sur les exportations et si elle a engendré des bénéfices records au sein des grandes firmes exportatrices, celles-ci n'ont répercuté que modestement ces profits sur les salaires et investissements.
La BoJ surveille aussi les mouvements de ses homologues: la banque centrale européenne (BCE) s'est récemment dite prête à agir davantage, sans "tabou", tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) tarde à resserrer sa politique monétaire.
C'est en jaugeant l'ensemble de ces éléments ainsi que l'impact du ralentissement des marchés émergents - la Chine étant un partenaire commercial majeur du Japon - que les neuf membres du comité de politique monétaire ont pris leur décision de reconduire - par huit voix contre une - le programme de rachat d'actifs au même rythme.
Le dispositif d'assouplissement qualitatif et quantitatif actuel vise à augmenter la base monétaire de 80.000 milliards de yens par an (près de 600 milliards d'euros).
Si la banque centrale japonaise a décidé de ne pas bouger pour l'instant, elle devrait cependant revoir ses prévisions.
Selon des informations de presse, elle va différer la date prévue pour atteindre son objectif d'inflation de 2%. Elle espérait jusqu'ici y parvenir entre avril et septembre 2016.
L'estimation de croissance devrait elle aussi être révisée négativement à 1% environ en 2015/2016 (contre +1,7%) et être un peu réduite pour 2016/2017 (1,5% pour le moment).