par Sybille de La Hamaide
REIMS (Reuters) - Le champagne ne craint pas le chaud.
Au moment où la France s'apprête à accueillir des délégations du monde entier dans le cadre de la COP21 pour tenter de maîtriser le réchauffement climatique, les viticulteurs ne s'affolent pas, et peuvent même se réjouir.
L'augmentation de 1,2°C du mercure en Champagne au cours des 30 dernières années a entraîné une série de conséquences bénéfiques: réduire les dégâts causés par le gel, augmenter d'un degré le taux d'alcool, faire baisser l'acidité.
Il est donc plus facile aujourd'hui, d'après le Comité Interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), de respecter le cahier des charges strict qui s'impose aux producteurs.
"Même si je suis extrêmement préoccupé par la question du réchauffement climatique, je dois dire que, pour le moment en Champagne, nous n'avons eu que des effets positifs", selon Pierre-Emmanuel Taittinger, président de la maison du même nom.
"C'est une très bonne chose pour la Champagne car on a des vendanges beaucoup plus régulières avec beaucoup moins de gelées. Donc on est plus du tout affecté par des phénomènes qui pouvaient détruire des récoltes entières", ajoute-t-il.
Les bouleversements en surface paraissent théoriques lorsqu'on descend dans les sous-sols de sa maison, où des kilomètres de galeries sombres et froides ont été percées dans le sol crayeux pour abriter quelques millions de bouteilles.
Pierre-Emmanuel Taittinger n'ignore pourtant rien des menaces que font peser les soubresauts du climat sur la planète, comme la raréfaction des terres arables, et évoque même une "troisième guerre mondiale" contre le réchauffement climatique.
Mais, autour de lui, le phénomène n'a eu que des "effets heureux", dit-il. "Je suis obligé de le constater."
VENDANGES PRÉCOCES
Autre impact: depuis 30 ans, les vendanges ont été avancées de deux semaines en moyenne, si bien que les récoltes ont lieu parfois en août plutôt qu'en septembre et/ou en octobre.
Tandis que les épisodes de sécheresse ont eu des effets dévastateurs sur la production dans d'autres zone agricoles, le sol calcaire de la région, capable de retenir les eaux de pluie, a jusqu'à présent permis d'en pondérer les effets.
"La Champagne avec l'Allemagne sont parmi les vignobles les plus au nord, qui ont réussi à se développer grâce au réchauffement climatique", explique Jean-Marc Touzard, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui étudie l'impact du changement climatique sur le vin.
Les viticulteurs commencent malgré tout à se préparer pour des jours moins fastes.
Jean-Pierre Vazart, producteur indépendant de la maison Vazart-Coquart, à Chouilly, explique qu'il n'est pas inquiet "pour l'instant", et voit comme une "bénédiction" le soleil se dévoiler en été.
Les producteurs comme lui disposent déjà de solutions pour s'adapter aux conditions nouvelles. Ils peuvent arracher les herbes qui consomment de l'eau ou laisser davantage de feuilles sur les plants, qui agissent comme autant de parasols.
"On s'est bien adapté sans changer beaucoup de choses", note Jean-Pierre Vazart, qui règne sur 11 hectares de vignoble, en soulignant toutefois que les dates de vendanges resteront très inégales et qu'il faudra changer les habitudes si le réchauffement devait s'emballer.
SOLUTIONS
Dans la région, on envisage par exemple d'espacer davantage les plans de vigne afin de permettre aux racines d'aller chercher plus loin dans la terre l'eau dont le vin a besoin.
Selon Vincent Perrin, directeur général du Comité Champagne, les viticulteurs pourront faire face à l'augmentation des températures, tant qu'elles n'excèdent pas 3°C.
Au-delà ? "On est sur des scénarios sur lesquels on ne doit pas s'interdire de réfléchir mais qui sont tellement extrêmes que ce n'est plus seulement la petite viticulture champenoise qui est en jeu", juge-t-il.
Même souci pour Christian Renard, directeur du Vignoble Veuve Clicquot: "Pour l'instant, nous n'avons pas de souci majeur pour les 20-30 ans qui viennent mais il faut penser à après."
Les négociateurs qui se réuniront pour la COP21 du 30 novembre au 11 décembre au Bourget, au nord de Paris, se donnent pour objectif de trouver un accord permettant de contenir le réchauffement sous les 2°C par rapport à l'ère préindustrielle.
S'ils échouent et ne parviennent pas à s'entendre à brève échéance, les phénomènes climatiques extrêmes risquent de se multiplier, comme les épisodes de sécheresse sévère. Et la Champagne n'y échapperait probablement pas.
(Edité par Simon Carraud)