Les 150.000 salariés de la SNCF sont appelés à élire pour trois ans leurs représentants jeudi, des élections déterminantes à l'aube d'une délicate négociation du régime de travail des cheminots.
Les résultats seront connus vendredi. Ils fixeront la nouvelle représentativité syndicale dans le groupe, totalement remodelé en 2015, après la réforme ferroviaire votée en 2014.
Quatre scrutins sont regroupés: celui des 31 comités d'établissement (CE), marqueur de la représentativité; des délégués du personnel; des représentants salariés aux conseils d'administration (CA) de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités, les deux nouvelles branches du groupe, ainsi qu'au conseil de surveillance (CS).
En mars 2014, la CGT avait conservé sa première place aux élections des CE (35,6%), devant l'Unsa (23%), SUD (17%) et la CFDT (14,7%).
Avec 52,6% des voix, et une avance seulement de 2.800 suffrages, CGT et SUD avaient sauvegardé leur majorité de blocage.
"Est-ce que l'aile radicale continuera à totaliser plus de 50% des voix", la majorité permettant "d'invalider des accords" ? Tel est bien "l'enjeu", résume Marnix Dressen, sociologue membre du réseau d'étude du secteur ferroviaire Ferinter.
La campagne a ravivé la ligne de fracture entre CGT et SUD, opposés à la réforme ferroviaire, et CFDT et Unsa, qui l'ont accompagnée. Et ces derniers sont persuadés que les cheminots donneront une prime aux réformistes.
Accusée par l'Unsa de "regarder dans le rétroviseur" et d'avoir "seulement quelques grèves avortées à son bilan", la CGT-Cheminot rétorque qu'elle présente des "propositions alternatives" et parie, comme SUD, sur l'inquiétude suscitée par la renégociation du temps de travail des cheminots que l'entreprise veut ouvrir début 2016.
Prévues par la réforme, les discussions doivent aboutir d'ici à juillet à un accord d'entreprise complétant la future convention collective de branche qui dressera le cadre social commun public-privé dans la perspective de l'ouverture totale à la concurrence. "Au programme: moins de repos, moins de week-ends, des amplitudes plus larges", prévient SUD.
- Une 'sociologie favorable' -
L'intégration des 1.500 salariés de Réseau ferré de France à SNCF Réseau "nous est favorable, comme l'évolution sociologique" du groupe où cadres et agents de maîtrise sont désormais majoritaires, estime Roger Dillenseger (Unsa).
"La transformation de la structure des emplois et des qualifications à la SNCF dessert l'aile radicale", abonde M. Dressen, qui rappelle que la CGT, "partie de plus de 70% dans les années 50, perd à peu près un ou deux points d'élection en élection". En dix ans, ce syndicat a dégringolé de 8,5 points.
Pour le professeur de sociologie à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, il faudra compter également avec FO qui avait manqué "à un cheveu" en 2014 de récupérer sa représentativité perdue en 2009.
Pour atteindre les 10%, FO a de nouveau fait alliance avec la CFE-CGC et First. Selon Bernard Aubin (First), "la direction voit d'un mauvais oeil l'arrivée d'un arbitre dans la partie, ni contestataire ni accompagnateur, qui selon les enjeux pourrait faire basculer la balance dans un sens ou dans un autre".
Reste une grande inconnue, la participation, tombée à 69,37% en 2014 (-4,5 points par rapport à 2011). Près de 7.000 voix en moins, essentiellement perdues par la CGT.
L'autre enjeu de ces élections, qui surviennent alors que les cheminots sont endeuillés par l'accident de TGV en Alsace, est la distribution des rênes des CE, qui gèrent une dotation de 100 millions d'euros versée par l'entreprise pour les activités sociales et loisirs des salariés. Plus des trois quarts sont tenus par la CGT du fait de règles qui seront renégociées dans la foulée du scrutin.
Outre les 150.000 salariés du groupe public ferroviaire, vote également une partie des salariés des filiales (30 à 40.000 personnes sur 100.000), mais seulement pour les scrutins CA et CS. Des dizaines de milliers de cheminots ont déjà voté par correspondance.