par Philip Blenkinsop
BRUXELLES (Reuters) - La police belge a mené dimanche soir 19 perquisitions dans la région de Bruxelles et interpellé 16 personnes, mais pas Salah Abdeslam, recherché dans le cadre de l'enquête sur les attaques du 13 novembre à Paris, a annoncé le parquet fédéral de Belgique tôt lundi matin.
Lors d'une conférence de presse organisée peu après minuit, le parquet a ajouté que trois perquisitions avaient également été menées à Charleroi et que la police avait ouvert le feu à deux reprises sur un véhicule suspect à Molenbeek, la commune dont est originaire Salah Abdeslam, blessant son conducteur qui a été arrêté.
"Nous pouvons indiquer qu'aucune arme ou explosif n'a été trouvé. Salah Abdeslam n'a pas été interpellé pendant les opérations", a déclaré le procureur Eric Van Der Sypt.
"Seize personnes ont été interpellées. La justice décidera demain s'il y a lieu de prolonger leur détention", a-t-il ajouté.
Selon le parquet fédéral, rien ne permet à ce stade de rattacher l'incident à Molenbeek à la menace terroriste qui pèse sur la capitale belge, où le Premier ministre Charles Michel a annoncé dimanche que le niveau d'alerte maximale serait maintenu lundi, avec métros et écoles fermés.
Les autorités ont placé Bruxelles en état d'alerte de niveau 4, qui correspond à une menace "sérieuse et imminente", dans la nuit de vendredi à samedi.
"Ce que nous redoutons, c'est une attaque similaire à celle de Paris, avec plusieurs individus qui lancent des offensives à plusieurs endroits en même temps", a dit Charles Michel lors d'une conférence de presse, en début de soirée, à l'issue d'une réunion du Conseil national de sécurité convoquée pour réévaluer le niveau de menace.
PLUSIEURS TERRORISTES RECHERCHÉS
Les cibles potentielles sont les lieux très fréquentés comme les centres commerciaux, les rues commerçantes ainsi que les transports publics, a ajouté Charles Michel, en indiquant que la présence policière et militaire allait être renforcée dans la capitale.
La présidence du Conseil de l'Union européenne a indiqué dimanche soir que la réunion de l'Eurogroupe (ministres des Finances de la zone euro) prévue dans l'après-midi de lundi à Bruxelles était maintenue.
Le niveau d'alerte 3, qui correspond à une menace "possible et vraisemblable", sera toujours en vigueur lundi dans le reste de la Belgique, a précisé Charles Michel.
Une nouvelle évaluation de la situation sera effectuée dans la journée de lundi et tout sera fait pour que les choses reprennent un cours normal le plus rapidement possible, a assuré le chef du gouvernement.
Les autorités craignent des attentats djihadistes comparables à ceux qui ont visé Paris et Saint-Denis le 13 novembre, faisant 130 morts et 350 blessés.
Deux des kamikazes de Paris, Brahim Abdeslam et Bilal Hadfi, ont vécu en Belgique. Un suspect en fuite, Salah Abdeslam, frère de Brahim, a regagné Bruxelles au lendemain des attentats de Paris et sa trace a été perdue.
Prié de dire si les mesures d'exception prises dans la capitale belge étaient liées uniquement à la possible présence de Salah Abdeslam, le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, a répondu: "malheureusement non..."
"Il s'agit de plusieurs suspects, c'est pourquoi nous avons mis en place une telle concentration de moyens", a-t-il dit sur la chaîne de télévision VRT.
Selon Bernard Clerfayt, maire de Schaerbeek, l'une des communes de Bruxelles-Capitale, il y aurait actuellement "deux terroristes" dans la région prêts à commettre des attentats.
L'APPEL DE MOHAMED ABDESLAM À SON FRÈRE
Mohamed Abdeslam, frère de Brahim et de Salah, a exhorté à la télévision ce dernier à se rendre aux policiers. Interrogé par la RTBF, il a déclaré que son frère, qui devait probablement faire partie des kamikazes, était encore en vie parce qu'il avait changé d'avis au dernier moment, alors qu'il était encore à Paris.
Le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a dit que mille soldats avaient été mobilisés pour des patrouilles, soit le double des effectifs déployés une semaine plus tôt.
Le grand rabbin de Bruxelles, Albert Gigi, a déclaré dimanche à la radio de l'armée israélienne que les synagogues de la capitale avaient été fermées samedi et dimanche pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
La ville de Bruxelles, où siègent l'Otan et les institutions européennes, n'avait pas été placée en état d'alerte maximale depuis fin 2007-début 2008, pendant une période d'un mois environ, lorsque les autorités avaient éventé un complot visant à faire évader l'islamiste tunisien Nizar Trabelsi de sa prison belge.
Dimanche matin, la capitale belge a présenté un visage proche de celui des autres dimanches, avec quelques magasins, comme les boulangeries et les commerces de proximité, toujours ouverts, mais les grands centres commerciaux sont restés fermés toute la journée, de même que les musées et les cinémas. Les messes ont eu lieu dans les églises. Les grands marchés, eux, sont restés fermés.
(Avec Robin Emmott à Bruxelles et Dan Williams à Jérusalem; Jean-Stéphane Brosse, Guy Kerivel, Eric Faye et Tangi Salaün pour le service français)