PARIS (Reuters) - Manuel Valls soumettra lundi aux partenaires sociaux des amendements au projet de réforme du Code du travail avec l'espoir de lever les résistances des syndicats réformistes, dont la CFDT, et de désamorcer la contestation étudiante.
Le Premier ministre a promis "un compromis dynamique et ambitieux" vendredi au terme de consultations avec les syndicats, le patronat et les organisations de jeunesse; François Hollande avait évoqué jeudi des "corrections".
Les "réformistes" (CFDT, CFTC, CFE-CGC, UNSA, FAGE) et une partie du Parti socialiste exigent la réécriture des dispositions emblématiques du texte. La CGT, Force ouvrière et une vingtaine d'organisations de jeunes réclament son retrait.
Selon Le Journal du Dimanche, le couple exécutif décidait dimanche des retouches au projet de loi sans les ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuel Macron (Economie), qui aurait laissé vendredi des recommandations par écrit.
"Il y a des contacts au niveau des cabinets. Pour l'instant il y a une volonté de bouger et de rééquilibrer le projet de loi", a dit à Reuters Philippe Louis, le président de la CFTC.
"Il y a eu des échanges sur les lignes rouges, sur ce qu'on veut garder. On sent bien qu'ils écoutent mais à part ça on ne sait rien. Ça risque de se régler seulement lundi à midi", précise-t-on par ailleurs de source patronale.
Manuel Valls reçoit les partenaires sociaux à 14h30.
BERGER N'EST "L'ALLIÉ DE PERSONNE"
Les points les plus contestés du projet de loi dit "El Khomri", dont la présentation en conseil des ministres a été repoussée au 24 mars, pourraient être révisés voire supprimés : plafond des indemnités prud'homales, définition des licenciements économiques, forfait jours pour les PME, augmentation du temps de travail des apprentis qui serait abandonnée, renforcement du compte personnel d'activité, extension de la garantie jeunes.
Sur ce dernier point, François Hollande a dit samedi sa volonté d'aller "le plus loin possible".
"Aucun renoncement ne nous paraît acceptable", prévient dans le JDD le négociateur du Medef, Alexandre Saubot. "Si nous devions finir par un grand marchandage, article par article, c'est l'emploi qui serait perdant et les jeunes et les moins qualifiés qui seraient sacrifiés."
Le secrétaire général de la CGT a de nouveau réclamé dimanche le retrait d'une "loi de droite"."On fera le point lundi. On a remis au Premier ministre notre projet de Code du travail du XXIe siècle, peut-être qu'il va s'en inspirer", a dit Philippe Martinez au "Grand Jury" RTL-LCI-Le Figaro.
"Le problème, c'est l'inversion de la loi. Le risque c'est que la loi soit dorénavant à l'entreprise", a-t-il plaidé en référence aux indemnités prud'homales. "La barémisation, c'est monétiser le licenciement, c'est inadmissible".
L'exécutif espère en l'appui de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, syndicat "réformiste" en première ligne dans ces négociations. Mais ce dernier s'est montré dimanche soir déterminé à ne rien céder.
"Je ne suis l'allié de personne", a-t-il prévenu sur iTELE.
"A l'heure qu'il est, je ne suis certain de rien", a-t-il précisé, ajoutant qu'il n'avait pas eu de contact avec le gouvernement durant le week-end.
"Il faut le retrait du plafonnement obligatoire des indemnités prud'homales. (...) Si le gouvernement ne le retire pas, la CFDT ne sera pas d'accord", a-t-il souligné. "Faire croire qu'on créera de l'emploi avec des mesures comme ça, c'est complètement illusoire, c'est même un mensonge".
"FEUE LA LOI TRAVAIL"
L'opposition de droite, qui se disait prête pour partie à voter le texte en l'état, appréhende une reculade.
"Je crains que ce ne soit feue la loi Travail. (...) Lâcher du lest, ça va donner quoi? Une non-réponse", a déclaré dimanche le président (Les Républicains) du Sénat, Gérard Larcher.
"Je vais vous dire comment on va terminer si mes renseignements sont bons : on va terminer avec plus de taxes, plus de rigidités, et on n'aura rien résolu des questions des relations du travail", a-t-il dit au "Grand Rendez-Vous" Europe 1-Le Monde-iTELE.
La piste d'une surtaxation des contrats à durée déterminée (CDD) a été confirmée par le gouvernement mais cette disposition relève des partenaires sociaux.
Selon un sondage Odoxa réalisé par internet le 10 mars auprès de 1.012 personnes âgées de 18 ans et plus et publié dans Le Parisien Dimanche, 78% des 18-34 ans sont opposés au texte.
Les organisations de jeunesse ont prévu de redescendre dans la rue jeudi avant une nouvelle mobilisation nationale le 31 mars des opposants les plus radicaux.
(Sophie Louet avec Emmanuel Jarry)