par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les négociations entre les partenaires sociaux sur une nouvelle convention d'assurance chômage ont tourné jeudi au dialogue de sourds sur la question des contrats de travail très courts, sur fond de bras de fer sur le projet de réforme du code du travail.
Cette cinquième séance a essentiellement été consacrée à des discussions techniques sur la lutte contre l'abus d'alternance de ces contrats avec des périodes de chômage indemnisé, devenue un mode de gestion de la main d'oeuvre dans certains secteurs.
Les organisations patronales et syndicales s'accordent à estimer que c'est un effet pervers majeur du système français d'assurance chômage, extrêmement coûteux pour son organisme gestionnaire, l'Unedic. Mais elles divergent sur les remèdes.
Dans des propositions transmises mardi soir aux syndicats, le Medef suggère de modifier le calcul de l'allocation chômage de façon à ce que l'alternance rapide de périodes chômées et travaillées ne conduise pas à un revenu cumulé supérieur à ce qu'il serait s'il ne s'agissait que d'un revenu du travail.
Les propositions syndicales se placent du côté du coût du contrat pour l'entreprise plutôt que du salarié.
L'idée générale, avec des variantes selon les organisations, est d'imposer à l'employeur une cotisation d'assurance chômage d'autant plus élevée que le contrat est court ou précaire.
DANS L'OMBRE DE LA LOI TRAVAIL
Le négociateur du Medef, Jean Cerutti, a systématiquement opposé une fin de non-recevoir aux propositions syndicales en rejetant toute augmentation de la contribution patronale, ont rapporté les négociateurs syndicaux.
Les discussions ne sont guère allées au-delà de ces échanges techniques, alors que ces négociations paraissent dans une large mesure otage du projet de loi sur le marché du travail, en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
"Il ne vous a pas échappé que nous étions dans une période d'expectative", a déclaré d'entrée de jeu le négociateur du Medef aux journalistes présents.
L'organisation patronale a menacé de se retirer des négociations Unedic si le gouvernement ne rétablit pas dans sa version initiale le projet de réforme du marché du travail. Elle estime que le texte a été vidé de son contenu suite aux modifications apportées par l'exécutif et en commission parlementaire, avant son examen formel prévu à partir du 3 mai.
Le conseil exécutif du Medef doit se réunir le 9 mai pour prendre une décision en fonction de l'évolution du débat parlementaire et des amendements déposés par le gouvernement, trois jours avant la prochaine session de négociation, le 12.
La CGPME menace pour sa part de ne pas signer un éventuel accord sur la convention Unedic si le gouvernement persiste à vouloir introduire dans le projet de loi sur le travail un amendement sur la surtaxation des contrats courts.
PROLONGER LA CONVENTION ?
La délégation de la CFDT a déploré en début de séance un "chantage" patronal pour "tenter de peser sur la loi travail".
Elle a jugé "choquant" le texte remis par le Medef, qui suggère notamment, parmi neuf propositions, de moduler la durée d'indemnisation des chômeurs en fonction des variations du taux de chômage constatées sur deux trimestres consécutifs.
"La CFDT a le sentiment que cette négociation ne se poursuit, du côté employeur, que pour que le chantage se poursuive", a-t-elle ajouté, selon le texte de sa déclaration.
"La CFDT a trop conscience des enjeux importants (...) pour rompre les discussions mais déplore le contexte d'hystérisation du dialogue social", a-t-elle insisté.
Le secrétaire national et négociateur de la CFE CGC Franck Mikula, qui a jugé les discussions "stériles" et "sous influence extérieure", n'hésite pas à estimer que le Medef "cherche tous les prétextes" pour sortir de la négociation Unedic.
"Nous ferions mieux de discuter des modalités de prolongation de la convention actuelle plutôt que de perdre du temps dans des discussions techniques qui ne conduiront à rien", a-t-il ajouté.
Une perspective que la ministre du Travail, Myriam El Khomri, n'a elle-même pas exclu : elle a déclaré mercredi à l'Assemblée nationale que si les partenaires sociaux ne se mettaient pas d'accord, le gouvernement prendrait un décret en ce sens pour prolonger la convention d'un an.
(Edité par Myriam Rivet)