Le pétrole poursuivait son envolée sur les marchés mercredi, atteignant des prix records depuis plus de deux ans en raison de l'insurrection en Libye et de la crainte d'un effet domino sur d'autres exportateurs d'Afrique ou du Moyen-Orient.
A Londres, le Brent s'échangeait mercredi à 111,29 dollars le baril sur l'IntercontinentalExchange, un niveau inédit depuis septembre 2008. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le "light sweet crude" a dépassé 100 dollars pour la première fois depuis l'automne 2008.
Le prix du panier de douze qualités de pétrole brut, qui sert de référence à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a continué de grimper, dépassant 104 dollars. Il avait déjà, pour la première fois depuis 2008, franchi la barre symbolique des 100 dollars..
"La perte de 1,2 million de barils/jour d'exportations de pétrole libyen a durement frappé le marché cette semaine", souligne le groupe Natixis dans une note d'analyse publiée mercredi.
"Il n'y a pas de pénurie sur le marché actuellement, mais c'est la peur qu'elle se matérialise qui alimente la hausse des prix", expliquent des analystes londoniens de la Commerzbank.
Malgré les promesses de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de l'Arabie saoudite, son premier producteur, d'augmenter la production pour compenser d'éventuelles ruptures d'approvisionnement du pétrole libyen, il faudra des semaines pour rééquilibrer l'offre et la demande.
Au delà de la Libye, c'est la situation en Afrique du nord et dans l'ensemble du Moyen-Orient qui pousse les prix à la hausse, estiment les analystes de Natixis. "Le marché est de plus en plus inquiet quant au prochain domino à tomber, avec l'Iran et l'Algérie tous deux en péril", ajoutent-ils.
La Libye, membre de l'Opep, est l'un des quatre principaux producteurs d'Afrique, et un important fournisseur des Européens. Elle produit 1,69 million de barils par jour (mbj) de pétrole brut, et en exporte 1,49 mbj, en immense majorité (85%) vers l'Europe, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Sa production d'hydrocarbures a commencé à être affectée par l'insurrection qui secoue le pays, alors que le régime de Mouammar Kadhafi, en place depuis 1969, semble avoir perdu mercredi le contrôle de vastes régions de l'est du pays.
Plusieurs compagnies pétrolières ont annoncé un ralentissement voire la suspension de leurs activités, à l'instar des groupes allemand Wintershall et français Total, ainsi que l'espagnol Repsol.
La fermeture de plusieurs ports alimente également l'incertitude quant au niveau des exportations d'or noir libyen.
Mardi, le groupe italien ENI avait déjà "suspendu temporairement" certaines activités de production de pétrole et de gaz naturel et interrompu la fourniture de gaz par le gazoduc Greenstream, le seul reliant la Libye à la pénisule italienne.
ENI, présent en Libye depuis 1959, revendique la place de premier producteur étranger d'hydrocarbures dans le pays, avec une production de 244.000 barils équivalent pétrole par jour en 2009.
Dans ces conditions, les craintes des marchés sont attisées par le discours intransigeant de Mouammar Kadhafi mardi, qui a affirmé qu'il se "battrait jusqu'à la dernière goutte de (son) sang", laissant craindre une poursuite du chaos dans le pays et des perturbations du secteur pétrolier.
Les Etats-Unis, qui importent très peu de pétrole libyen et sont donc moins exposés, se sont toutefois voulus rassurants face à cette flambée des prix. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a estimé que l'économie mondiale devrait être en mesure de supporter l'envolée des cours.