Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a rappelé à l'ordre mercredi les céréaliers, les enjoignant à être solidaires des éleveurs, touchés par la sécheresse, autrement dit à ne pas spéculer sur le prix de la paille, désormais indispensable pour nourrir le bétail.
La mise en garde de M. Le Maire intervient alors que éleveurs et céréaliers tentent de se mettre d'accord sur des contrats et une fourchette de prix afin de faciliter la commercialisation de la paille entre ces deux secteurs qui n'ont pas les mêmes intérêts.
La situation est "très grave" pour les éleveurs, a affirmé Bruno Le Maire devant l'assemblée nationale, évoquant le cas d'agriculteurs de Poitou Charente, une des régions les plus touchées par la sécheresse, obligés d'abattre des bêtes pour financer la nourriture du reste du troupeau.
Déjà confrontés à une flambée des prix de l'alimentation animale après l'envolée des cours des matières premières au niveau mondial, les éleveurs, faute de pluie, ne disposent pas suffisamment de fourrage et doivent en acheter pour alimenter leurs bêtes.
Les éleveurs misent aussi sur la paille qui sera récoltée lors des moissons pour pouvoir faire la jonction jusqu'à la prochaine saison.
Bruno Le Maire a réitéré son appel aux céréaliers, leur demandant de faire preuve de "solidarité" devant le "désespoir des éleveurs".
Concrètement, il souhaite que les céréaliers mettent sur le marché la paille obtenue après la récolte de blé au lieu de la broyer pour enrichir le sol.
Faute de quoi M. Le Maire a menacé de prendre des mesures à leur encontre. "Si d'ici 15 jours nous n'observions pas (...) un niveau de solidarité conforme à ce que nous sommes en droit d'attendre, je prendrais les dispositions réglementaires nationales qui interdiront le broyage de la paille sur l'ensemble du territoire", a-t-il prévenu.
Le préfet de la Corrèze a lui d'ores et déjà franchi le pas. Mercredi il a pris un arrêté interdisant le broyage des pailles sur son département et ce jusqu'au 15 septembre. Cette mesure pourra toutefois être révisée en fonction de la météo.
Pour la FNSEA, principal syndicat agricole où se retrouvent céréaliers et éleveurs, la mise en garde du ministre "va dans le bon sens". "Ces déclarations incitent à la mise en place de contrats et c'est une bonne chose", a affirmé Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA qui doit ménager l'ensemble de ses troupes.
"Mais ce n'est pas cela qui fixera le prix de la paille", souligne-t-il auprès de l'AFP.
Le prix de la paille fait l'objet d'âpres discussions. Lundi les céréaliers ont fixé à 25 euros le prix moyen de la tonne de paille, un prix supérieur à celui avancé par la FNSEA qui évoque une fourchette entre "20 et 22 euros" la tonne, selon M. Barrau.
Pour le Bureau commun des pailles et fourrages (BCPF), qui représente les céréaliers, ce prix de 25 euros prend en compte les manques à gagner pour les céréaliers.
A la FNSEA "notre souci c'est de maîtriser les coûts de la paille et éviter toute spéculation", a souligné M. Barrau. Il a encore en tête la précédente sécheresse de 2003, une "opération très difficile" qui avait donné lieu à une flambée des prix de la paille: "nous devons tirer les leçons du passé", a-t-il affirmé.
Pour aider les éleveurs, M. Le Maire ministre leur a déjà donné l'autorisation d'utiliser toutes les jachères. Le ministre a aussi obtenu un accord de principe des autorités européennes pour le versement anticipé d'une aide en faveur de la profession.