L'obstination avec laquelle les Etats-Unis affirment être les meneurs de la réforme de la finance à l'échelle mondiale commence à agacer sérieusement à l'étranger, en particulier en Europe, alors que la mise en oeuvre de ce chantier prend du retard aux Etats-Unis.
Le secrétaire au Trésor Timothy Geithner affirme régulièrement que son pays a été le premier à agir pour réformer la finance après la crise, qu'il est à la pointe des efforts mondiaux en la matière.
S'ils lui valent des ovations chez lui, de tels propos passent difficilement à l'étranger et l'Union européenne vient de manifester clairement son mécontentement en appelant les Etats-Unis à ne pas faire machine arrière sur la réforme de la finance.
"Il ne saurait être question de prendre du retard. L'Europe a montré sa détermination en la matière. Nous allons tenir nos engagements, et j'appelle les Etats-Unis à faire de même", a déclaré vendredi le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier, à l'occasion d'une visite à Washington.
Il faisait là référence à la volonté des républicains et des groupes d'influence de la banque d'entraver la mise en oeuvre de la loi de réforme de Wall Street promulguée à l'été 2010, et au fait que les Etats-Unis sont déjà en retard dans la mise en conformité de leur système bancaire aux normes internationales dites de Bâle II, alors que doit commencer l'adaptation à celle de Bâle III (plus strictes) ayant fait l'objet d'un accord en septembre.
A la suite de pressions du monde de la finance relayées par des élus des deux bords, les autorités de réglementation financières américaines ont annoncé mardi un nouveau retard pour l'entrée en vigueur d'une des dispositions majeures de la loi de 2010 : celle obligeant les émetteurs pratiquant la titrisation de prêts (transformation de prêts en titres financiers) à retenir au moins 5% du risque attaché à ces emprunts.
Cette contrainte ne devrait donc être effective qu'à l'automne au mieux alors qu'elle devait entrer en application avant la mi-avril, et le projet des autorités risque d'être édulcoré.
La loi de réforme de Wall Street prévoit de durcir les normes financières en vigueur et de faire passer sous le contrôle des autorités des pans entiers de la finance qui y échappaient.
Une grande partie des dispositions de ce texte doit entrer en vigueur avant la fin du mois de juillet, mais pour nombre de points, les délais risquent de ne pas être tenus.
Pourtant, et malgré l'agacement des Européens, M. Geithner a encore affirmé lundi que les Etats-Unis faisaient "ce ce qu'il faut pour renforcer" leur système financier et qu'ils allaient rallier "le monde" à leurs actions.
Le ministre américain a même mis en garde contre le laxisme dont feraient preuve selon lui certains pays d'Asie qu'il n'a pas nommés.
La réaction n'a pas tardé. Dès le lendemain, le président de la commission des opérations de Bourse de Hong Kong, Martin Wheatley, déclarait au cours d'une conférence de presse que les normes bancaires étaient "bien plus contraignantes" à Hong Kong et en Chine qu'aux Etats-Unis.
"Laisser entendre d'une façon ou d'une autre que les Etats-Unis déterminent la règle d'or et que les autres marchés devraient suivre est un non-sens manifeste", a ajouté ce Britannique appelé à devenir en septembre le chef de la future autorité renforcée de régulation des marchés au Royaume-Uni.