Le président français Nicolas Sarkozy veut "faire le ménage" sur le marché des matières premières, dont la hausse des prix constitue "l'une des principales menaces" sur la croissance mondiale, et a proposé, mardi à Bruxelles, de resserrer les contrôles sur les spéculateurs.
A l'heure où la raréfaction des matières premières commence à poser un problème vital à la planète, notamment aux économies émergentes, M. Sarkozy, qui préside également le G20 en 2011, a fait de la lutte contre la volatilité des prix des matières premières agricoles un de ses chevaux de bataille.
Invité par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, à s'exprimer sur cette question, M. Sarkozy a plaidé pour une régulation plus étroite des marchés des matières premières, une semaine avant la réunion des ministres de l'Agriculture du G20 consacrée à ce sujet.
"Le mot régulation n'est pas tabou", a-t-il lancé en insistant sur le lien entre les pratiques spéculatives et la volatilité des prix.
"Une des principales menaces qui pèse aujourd'hui sur la croissance, c'est la hausse des prix des matières premières" qui peut "accroître les déséquilibres mondiaux" et "maintenir dans la pauvreté des millions d'hommes et de femmes", a mis en garde le président.
Le problème s'était déjà posé avec acuité en 2008, qui avait vu des "émeutes de la faim" éclater dans plusieurs pays d'Amérique du sud, d'Afrique et d'Asie, en raison de la forte hausse des produits agricoles de base, comme le blé, le colza ou le maïs.
"Notre première préoccupation concerne l'approvisionnement et la production de matières premières", a affirmé M. Sarkozy. "En 2050, la planète comptera 9 milliards d'habitants: pour les nourrir, il faudra augmenter la production agricole de 70% et nous n'en sommes pas encore capables", a-t-il fait remarquer.
Pour instaurer les conditions d'une croissance durable, il faut appliquer au marché des matières premières "la même règle que nous avons tenté d'appliquer" aux marchés financiers, c'est-à-dire la "régulation", a-t-il soutenu avant de rappeler que c'est "la dérégulation qui avait conduit le monde au bord du gouffre". "Un marché sans règle n'est plus un marché", a-t-il dit.
Mais "régulation ne veut pas dire contrôle, ça ne veut pas dire fixer des prix arbitrairement", ce qui serait "absurde", a tenu à préciser le président français, connaissant les grandes réticences de membres du G20, notamment des pays émergents, sur cette question.
Le Brésil et l'Argentine ont mis ces derniers mois la France en garde contre toute tentative de limiter les prix agricoles.
Le président français a dénoncé la "financiarisation" des marchés qui fait que les spéculateurs peuvent échanger chaque année en produits dérivés jusqu'à "46 fois la production annuelle mondiale de blé", "24 fois celle du maïs" et "35 fois celle du pétrole".
"Qu'est-ce qui peut justifier cela?", s'est-il interrogé. A ses yeux, "il ne s'agit pas d'interdire cette financiarisation, ni d'intervenir sur le niveau des prix" mais "de prévenir certains abus".
"Si un pays ne combat pas les mafias, doit-on renoncer à combattre les mafias?", n'a-t-il pas hésité à lancer.
Pour améliorer la "transparence" des marchés, il a proposé de "mettre en place un registre qui centralise les informations concernant les transactions" qui s'y déroulent.
Car, a-t-il noté, il est pratiquement impossible actuellement de connaître l'état des stocks sur un marché ou d'identifier les donneurs d'ordre.
De la même façon, pour en terminer avec "l'opacité" des stocks, qui permet toute sorte de spéculation, il souhaite que chaque pays du G20 s'engage à publier "dans les prochains mois un rapport national faisant état des progrès accomplis" en matière de transparence de leurs stocks.