Cinq candidats se disputent la présidence de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), dans une compétition inédite pour la direction de cette institution née après la chute du Mur de Berlin, qui s'est trouvé un nouveau rôle avec l'aide aux pays arabes.
Le nouveau président, élu pour quatre ans, sera désigné par la soixantaine de pays actionnaires lors de son assemblée générale, qui se tiendra cette année les 18 et 19 mai au siège de la banque à Londres.
Le dirigeant est habituellement choisi en amont par les Européens, qui se mettent d'accord sur un candidat commun. Sauf qu'aucun consensus ne s'est dégagé lors du sommet de Copenhague fin mars, si bien que le suspense risque de durer jusqu'à la dernière minute.
La compétition semble d'autant plus ouverte que les candidats en lice pour le poste ont des profils variés: l'Allemand Thomas Mirow, actuel président de la Berd qui est prêt à rempiler, le Français Philippe de Fontaine Vive Curtaz, vice-président de la Banque européenne d'investissement, le haut fonctionnaire britannique Suma Chakrabarti, l'ancien vice-Premier ministre serbe Bozidar Djelic, qui possède aussi la nationalité française, et l'ex-Premier ministre polonais Jan Krzysztof Bielecki.
La candidature britannique constitue en soi une surprise, alors qu'une règle tacite voulait jusqu'à présent que le Royaume-Uni, qui dispose déjà du siège de la banque à Londres, ne présente pas de candidat.
De facto, la présidence était jusqu'à présent une chasse gardée franco-allemande, et cette nouveauté fait grincer des dents. "Les Britanniques ont attendu les dernières heures avant la clôture des candidatures pour sortir du bois", relève un diplomate européen.
Selon une source proche du dossier, il semble peu probable que la situation se débloque avant l'assemblée générale, d'autant que la France voudrait même geler les nominations aux postes européens importants en attendant le résultat de son élection présidentielle, dont le second tour se tiendra début mai.
Car, pour compliquer encore les choses, la désignation du futur patron de la Berd entre dans le cadre d'un jeu de chaises musicales incluant d'autres postes économiques importants devant être prochainement pourvus: la présidence de l'Eurogroupe, celle du Mécanisme permanent de secours pour les pays fragiles de la zone euro (MES) et un poste au directoire de la Banque centrale européenne.
L'assemblée générale de la Berd, habituellement feutrée et sans surprise, risque donc de se transformer en séances d'audition des candidats par les actionnaires. "Ce serait un processus entièrement nouveau", reconnaît-on à la banque.
Dans cette lutte d'influence pour des postes plus ou moins prestigieux, la Berd a retrouvé de son lustre avec l'extension de ses missions aux pays arabes.
Le futur président aura ainsi pour mission de réaliser les premiers investissements au sud de la Méditerranée afin de soutenir l'émergence des démocraties arabes, un nouveau rôle qui lui a été confié l'an dernier. La banque vient aussi d'intégrer dans ses rangs la Tunisie et la Jordanie.
C'est un changement de cap pour cette institution créée après la chute du mur de Berlin pour favoriser le passage des pays de l'Est à l'économie de marché. Elle a financé pour 9,05 milliards d'euros de projets l'an dernier, dans une vaste zone allant de l'Europe à l'Asie centrale.