L'Espagne a bénéficié d'une forte demande des marchés, mardi, pour se refinancer à court terme mais au prix fort. L'inquiétude qui persiste autour de ses perspectives économiques menace sa prochaine émission de dette, prévue jeudi et perçue comme un véritable test.
Bien que forcée de payer le prix fort pour se refinancer, mardi, l'Espagne est toutefois parvenue à emprunter 3,178 milliards d'euros en bons à 12 et 18 mois, dépassant le sommet de la fourchette prévue (de 2 à 3 milliards).
Soit un franc succès pour le Trésor espagnol, selon les analystes.
"Il est certain qu'il paye plus que lors de l'émission précédente mais (le taux offert, ndlr) est légèrement inférieur à celui auquel cotaient ces bons sur le marché secondaire", explique David Navarro, analyste pour la maison de courtage Inversis.
Le Trésor "a placé plus que prévu or c'était ça la grande crainte: admettre que finalement il n'avait pu lever que deux milliards", poursuit-il.
Signe du regain de confiance, juste après la publication des résultats de l'émission, les taux à 10 ans espagnols ont franchi à la baisse le seuil des 6%, pour s'inscrire, vers 11H15 (09H15 GMT), à 5,904%.
Le programme d'injection de liquidités de la Banque centrale européenne (BCE), qui a réalisé en décembre et février deux opérations de prêt sur trois ans, à des taux avantageux, aux banques de la zone euro, a pu doper ces résultats.
"Les émissions à court terme sont favorisées par ces programmes mais pas tant celles à long terme", souligne Soledad Pellon, stratégiste spécialiste des marchés chez IG Markets.
Et les sombres perspectives économiques planant sur la croissance espagnole accentuent les craintes qui visent la prochaine émission obligataire de jeudi. Portant sur l'échéance de référence à 10 ans, avec aussi des obligations à deux ans, celle-ci est considérée "comme un véritable test pour l'Espagne", explique Nordim Naam, stratégiste obligataire chez Natixis.
"Sauf intervention de la BCE, nous constaterons une augmentation importante des rentabilités" que devra concéder l'Espagne, prévoit Soledad Pellon.
Ne pouvant pas compter sur la manne de la BCE, les investisseurs auront en outre en tête "le grand problème de l'Espagne qui, selon nous, est la croissance", ajoute David Navarro. "Si l'absence de croissance se prolonge pendant longtemps, il est plus difficile de payer ses dettes à long terme."
Or la dette publique de l'Espagne devrait s'envoler cette année, grimpant de 68,5% du PIB à la fin 2011 à 79,8% fin 2012, selon les prévisions du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Pour tenter d'assainir ses finances, l'Espagne a lancé un plan de rigueur sans précédent fin mars.
Dans son budget 2012, le gouvernement cherche ainsi à récupérer 27,3 milliards d'euros pour ramener le déficit public à 5,3% du PIB cette année puis à 3% en 2013, après 8,51% en 2011.
Un objectif que nombre d'économistes jugent peu réaliste dans un pays frappé par un chômage record et qui a renoué avec la récession au premier trimestre, selon la Banque d'Espagne.
Après une faible croissance, de 0,7%, en 2011, le gouvernement a prévu un recul du 1,7% du PIB sur l'ensemble de 2012. Selon ses prévisions, le taux de chômage devrait bondir jusqu'à 24,3% à la fin 2012.
Ainsi, les seules sommes qui seront engouffrées cette année dans les intérêts de la dette, 28,8 milliards d'euros, ou encore dans le montant des indemnités chômage (28,5 milliards) sont équivalentes aux économies promises par l'Espagne.
Difficile dans ces conditions de redresser la barre de l'économie.