Le milliardaire russe Mikhaïl Fridman a démissionné de ses fonctions à la tête de la coentreprise pétrolière russo-britannique TNK-BP, a annoncé lundi la société, sans préciser les raisons de ce départ surprise qui jette un peu plus le trouble au sein du groupe.
"Mikhaïl Fridman a envoyé une lettre au conseil d'administration de TNK-BP, notifiant sa démission du poste de directeur général de TNK-BP", indique le groupe dans un communiqué.
Le milliardaire a aussi envoyé une missive aux actionnaires de la coentreprise annonçant son départ du poste de président du directoire de TNK-BP Management, une structure gérant les actifs de la société en Russie et en Ukraine.
Les deux démissions doivent prendre effet dans 30 jours, précise la coentreprise, qui n'indique pas la raison du départ de M. Fridman.
Ensuite, "TNK-BP sera dirigé par un groupe de cadres détenant les pouvoirs de mandataires dans leurs domaines de responsabilité", ajoute-t-elle.
Créée en 2003, TNK-BP est détenue à 50% par BP et à 50% par le consortium russe Alfa Access Renova (AAR), regroupant M. Fridman et les milliardaires Viktor Vekselberg, Len Blavatnik et Guerman Khan.
"Les actionnaires d'AAR Guerman Khan et Viktor Vekselberg restent dans les affaires en tant que directeurs exécutifs et membres du directoire", précise la société.
Contacté par l'AFP, le porte-parole d'AAR s'est refusé à tout commentaire.
Mais une source proche du consortium a indiqué à l'agence Ria Novosti que ce départ était dû à des tensions avec BP.
"BP se comporte de façon non constructive et agressive, écrit des lettres aux dirigeants pour leur dire qu'il n'ont pas le droit de prendre des décisions sans l'approbation de BP, menace de poursuites juridiques (...). Conserver cette situation n'était plus possible, le patron n'est pas prêt à travailler dans de telles conditions", a dit cette source.
La coentreprise est le troisième plus gros producteur de pétrole en Russie et l'un des plus beaux actifs de BP, représentant environ un quart de la production mondiale du géant britannique.
Mais elle a été le théâtre de plusieurs conflits entre ses actionnaires, le dernier en date remontant à janvier 2011, quand BP a signé une alliance avec le numéro un russe du pétrole, le groupe public Rosneft, visant à explorer l'Arctique.
Cette entente a finalement échoué, ayant été bloquée par AAR, qui a fait valoir que l'accord constituait une violation du pacte d'actionnaires de TNK-BP, la coentreprise n'étant pas invitée à rejoindre l'alliance.
En août 2011, Rosneft s'est trouvé un nouveau partenaire dans le projet, l'américain ExxonMobil.
Après des mois de tensions, deux directeurs indépendants ont quitté son conseil d'administration, le privant de quorum et l'empêchant de fait de voter le versement de dividendes.
Selon RBC Capital Markets, M. Fridman pourrait revoir sa part dans le groupe, "et cela pourrait créer de sérieuses turbulences".
En outre, "BP a déjà eu des difficultés pour remplacer ses directeurs non-exécutifs, et identifier un nouveau directeur général devrait être encore plus difficile, surtout depuis l'échec de la nomination de Maxime Barski", ajoute la banque.
M. Fridman avait été nommé à la tête de la coentreprise en 2009, mais uniquement par intérim, et il était prévu qu'il laisse la place en 2011 à M. Barski. Mais ce dernier, qui s'était prononcé en faveur d'une direction indépendante des actionnaires, n'a pas été nommé et a fini par démissionner en octobre.