La zone euro va tenter jeudi de mettre en forme le plan d'aide aux banques espagnoles, que Madrid pourrait officiellement réclamer dans la journée, discuter des ajustements possibles du programme de réformes exigé de la Grèce et se pencher sur le cas de Chypre qui attend une aide pour renflouer ses banques.
Les ministres des Finances se retrouveront à partir de 16H00 (14H00 GMT) à Luxembourg pour préparer la voie au sommet européen de fin juin. La directrice du Fonds monétaire international Christine Lagarde sera également présente.
Parmi les urgences: peaufiner le plan d'aide pour les banques espagnoles, en espérant calmer les marchés et empêcher une contagion de la crise de la dette.
L'Espagne devrait demander officiellement l'aide de ses partenaires à l'occasion de l'Eurogroupe, selon plusieurs diplomates, car le gouvernement doit disposer dans la journée de l'audit de deux cabinets privés sur les besoins en recapitalisation de ses banques.
Avec ce rapport en main, le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy pourra estimer l'aide dont il a besoin. Le chiffre sera "bien en deçà" de 100 milliards d'euros, a affirmé mercredi à l'AFP Thomas Wieser, le patron de l'Euro Working Group, organe qui prépare les travaux de l'Eurogroupe.
Jusqu'ici, la zone euro s'est engagée à prêter jusqu'à 100 milliards d'euros pour les banques espagnoles, sans donner plus de détails, ce qui a accru la défiance des marchés à l'égard de l'Espagne et par ricochets, de l'Italie.
Pour preuve, Madrid a emprunté jeudi 2,220 milliards d'euros en obligations à deux, trois et cinq ans, mais a encore vu ses taux d'intérêt s'envoler.
Face à cette flambée des taux, le chef du gouvernement italien Mario Monti a proposé d'avoir recours aux fonds de secours de la zone euro, le FESF ou le MES qui doit entrer en vigueur en juillet, pour intervenir sur le marché secondaire, où s'échangent les obligations déjà en circulation. Une option faisable sous certaines conditions, mais qui n'a encore jamais été exploitée.
Cette proposition laisse sceptique en Europe et a été écartée par Berlin. Elle a toutefois reçu jeudi le soutien d'un membre du directoire de la Banque centrale européenne.
"C'est certainement un mystère que le FESF ait été autorisé il y a presque un an à intervenir sur le marché secondaire et que les gouvernements n'aient pas encore choisi d'user de cette possibilité", a déclaré Benoît Coeuré dans les colonnes du Financial Times.
Sujet plus consensuel: face à une situation économique dégradée, la zone euro pourrait aussi accorder un an de plus à l'Espagne pour atteindre ses objectifs de réduction budgétaire, comme l'a proposé la Commission européenne.
"Je ne crois pas qu'il y a de grands débats à ce sujet. Personne ne m'a dit qu'il était violemment opposé à cette option", a affirmé M. Wieser.
La Grèce occupera aussi une large part des discussions. La formation d'un gouvernement sous la houlette du conservateur Antonis Samaras ouvre la voie au retour imminent dans le pays de la troïka des bailleurs de fonds (UE, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
Sauf surprise, le nouveau ministre des Finances devrait être l'actuel président de la Banque nationale de Grèce (BNG), Vassilis Rapanos, qui pourrait faire le déplacement à Luxembourg pour rencontrer ses homologues.
Pour la Grèce, l'enjeu est d'obtenir une révision du plan de rigueur négocié en échange de l'aide internationale. Mais si les Européens ont entrouvert la porte à un possible prolongement du délai donné au pays pour atteindre l'équilibre budgétaire, ils attendent aussi qu'Athènes respecte ses engagements.
Le programme d'aide à la Grèce est "largement sorti des rails" et devra être "renégocié" cet été, avec le choix entre de nouvelles mesures d'austérité ou un allongement des délais, a estimé M. Wieser.
Outre l'Espagne et la Grèce, la zone euro se penchera sur le cas de Chypre qui prévoit de solliciter l'aide de la zone euro pour renflouer ses banques "probablement la semaine prochaine", selon une source diplomatique européenne.
Le pays, qui va prendre la présidence de l'UE en juillet souhaite que cette aide ne soit pas assortie de mesures d'austérité, sur le modèle espagnol. Il veut dans le même temps demander un prêt de 3 à 5 milliards d'euros à la Russie.
Avec un agenda aussi chargé, l'Eurogroupe pourrait se prolonger tard dans la nuit. Cette réunion ne sera que le premier acte d'une série de réunions consacrées à la crise qui se poursuivront vendredi par un mini-sommet à Rome entre les dirigeants de l'Italie, l'Allemagne, la France et l'Espagne, et qui culmineront avec le sommet européen des 28 et 29 juin à Bruxelles.