Le cap symbolique des trois millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité en métropole a été franchi en août, a confirmé mercredi le ministre du Travail Michel Sapin, avant même la publication des statistiques officielles attendue dans la soirée.
"Oui, c'est mauvais, c'est forcément mauvais, au rythme qui était déjà acquis avant l'été. Je m'attends bien entendu à ce que le chiffre, qui est symbolique mais enfin qui est fort, des trois millions de chômeurs en France sera dépassé", a déclaré M. Sapin.
Le ministre avait déjà préparé les esprits début septembre en annonçant que ce seuil était franchi. L'explosion des chiffres en juillet le laissait présager. Avec 41.300 inscrits de plus à Pôle emploi dans la catégorie A (sans aucune activité), le nombre frôlait déjà les trois millions en métropole à 2,987 millions.
En incluant les demandeurs d'emploi exerçant une activité réduite, quelquefois juste quelques heures dans le mois, 4,453 millions de personnes étaient fin juillet en quête d'emploi.
Il faut remonter à juin 1999 pour retrouver de tels niveaux.
Selon M. Sapin, ces trois millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité, "c'est beaucoup de désespoir" mais "c'est le résultat d'une politique" et "l'une des raisons pour lesquelles les Français ont souhaité changer de président de la République".
Il a une nouvelle fois dénoncé des plans sociaux "repoussés", "dissimulés" et défendu la mise en oeuvre de politiques pour "limiter" les effets des plans sociaux et "d'outils" pour l'emploi" (emplois d'avenir et contrats de génération).
Inverser la courbe rapidement
Le gouvernement compte aussi sur la négociation entre les partenaires sociaux sur le marché du travail pour mieux sécuriser à la fois les salariés et les entreprises en cas de coup dur.
La hausse du chômage "n'est pas inéluctable", a estimé mercredi le secrétaire général de la CFDT François Chérèque pour qui le "manque d'anticipation" dans les entreprises et "le manque de compétitivité" sont des défis à relever.
Malgré ces chiffres sombres et une croissance atone, François Hollande s'est engagé à "inverser la courbe". "Nous devons inverser la courbe du chômage d'ici un an", avait déclaré le chef de l'Etat le 9 septembre, un objectif jugé "atteignable" mardi par Michel Sapin.
"Je ne sais pas si nous y parviendrons mais je veux tout faire pour y parvenir", avait toutefois tempéré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Experts et syndicats jugent peu réalistes cet objectif, qualifié de "pari risqué" mercredi par Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière.
"Quand on a une croissance proche de zéro, le chômage augmente, il y a un effet quasi mécanique", a-t-il fait valoir.
Le candidat à la présidence de l'UMP Jean-François Copé a lui accusé François Hollande d'aller "en sens inverse" des solutions. Selon lui, "les pays qui parviennent à contenir le chômage utilisent tous comme priorité absolue les outils de compétitivité".
Le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), qui évoque "plus de cinq millions de chômeurs et précaires", dénonce "la résignation, entourée d'un peu de volontarisme politique".
Pour stabiliser le chômage, une croissance annuelle de 1% est nécessaire, et pour le réduire il faudrait entre 1,5% et 2%, rappelait récemment Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Confronté à cette explosion, Pôle emploi va recruter 2.000 CDI à partir d'octobre, a confirmé mercredi son directeur Jean Bassères, qui veut "renforcer l'accompagnement" des personnes les plus éloignées de l'emploi et "éviter que le demandeur d'emploi bascule dans le chômage de longue durée".