Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a affiché jeudi une certaine satisfaction concernant l'action de son institution face à la crise de la dette, qui a contribué selon lui à éloigner le spectre d'un éclatement de la zone euro.
M. Draghi est revenu sur le nouveau programme de rachat de dette des Etats en difficulté, adopté début septembre et baptisé OMT pour "Outright monetary transactions".
"Notre décision concernant l'OMT a aidé à soulager les tensions au cours des dernières semaines en réduisant les inquiétudes de voir des scénarios destructeurs se matérialiser", a déclaré l'Italien lors de sa conférence de presse mensuelle suivant la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs.
Cette réunion s'est déroulée, comme deux fois par an, hors des murs francfortois de la BCE, cette fois à Brdo Pri Kranju, près de la capitale slovène Ljubljana.
Pour M. Draghi, l'OMT est l'arme adéquate contre la spéculation, qui ne demande qu'à être employée.
"Je peux dire qu'aujourd'hui nous sommes prêts. Nous avons en place un mécanisme de soutien pleinement effectif, une fois que les conditions seront remplies", pour le déclencher, a-t-il ajouté, renvoyant comme à son habitude la balle dans le camp des politiques.
Il appartient aux pays qui auraient besoin de l'intervention de la BCE de faire le prochain pas, c'est-à-dire demander une aide aux fonds de secours européens, a-t-il répété.
"C'est aux gouvernements de décider", a-t-il martelé, ajoutant que la conditionnalité était essentielle.
"Cela permet de lever l'aléa moral (c'est-à-dire d'éviter que les pays aidés ne dévient des réformes nécessaires, ndlr) et aussi de maintenir l'indépendance de la BCE", a-t-il expliqué.
L'Espagne, confrontée à la perte de confiance des investisseurs, est pressentie pour inaugurer ce programme. Mais elle s'y refuse jusqu'ici, de peur de devoir se plier à un nouveau train de réformes.
Jeudi, le pays a réussi à emprunter 4 milliards d'euros à moyen terme à des taux majoritairement en baisse, une accalmie largement attribuée aux annonces le mois dernier de la BCE.
Madrid a fait des progrès "remarquables" ces derniers mois, a souligné M. Draghi, notamment en matière de consolidation budgétaire et de réforme de son système bancaire, même si "d'importantes difficultés subsistent".
Il a également salué des "progrès significatifs" au Portugal, autre pays surendetté de la zone euro qui garde le cap de sa politique de rigueur, malgré le mécontentement de la population. Et il a appelé les Etats de la zone euro dans leur ensemble à ne pas relâcher leurs efforts.
Comme attendu, l'institution monétaire a laissé son principal taux directeur inchangé à 0,75%, son plus bas niveau historique atteint en juillet.
Cette décision n'a pas surpris les observateurs, la BCE ayant largement laissé filtrer ses intentions par la voix de ses principaux responsables. M. Draghi a affirmé que la décision avait été prise à l'unanimité.
Face à une situation économique qui ne cesse de se dégrader, les économistes s'attendent toutefois à ce que l'institution monétaire baisse une nouvelle fois ses taux d'ici la fin de l'année.
Pour Cédric Thellier, de Natixis, cela pourrait intervenir "en décembre en parallèle avec la révision à la baisse des prévisions de croissance (de la BCE) pour 2013 et une première estimation pour 2014 qui devrait s'avérer morose".
Le niveau de l'inflation en septembre (+2,7%) -essentiellement tiré par les prix de l'énergie et les hausses de TVA- a certes surpris la BCE a admis M. Draghi mais il ne remet pas en cause son objectif de moyen terme de maintenir la hausse des prix sous les 2%.
"Après des annonces majeures" au cours des trois derniers mois, "la réunion d'octobre de la BCE s'est révélée calme", a commenté Howard Archer, d'IHS Global Insight.
Pour son confrère d'ING Carsten Brzeski, "La BCE réalise qu'elle peut difficilement faire quelque chose à ce stade".
"Avec l'OMT, elle a exorcisé les peurs d'un éclatement imminent de la zone euro. Davantage de stimulus monétaire, de mesures classiques ou exceptionnelles, pour soutenir la croissance sont envisageables mais le travail fondamental doit être fait par les gouvernements", a-t-il résumé.