PARIS (Reuters) - Le Sénat, où la droite est majoritaire, a adopté mercredi par 229 voix contre 106 le très controversé projet de loi antiterroriste qui doit permettre de lever l'état d'urgence instauré après les attentats de 2015.
L'Assemblée l'examinera à son tour à la rentrée en septembre ou octobre. Le gouvernement a décidé d'utiliser la procédure dite accélérée, qui réduit le nombre de navettes entre les deux assemblées, l'objectif étant d'obtenir un vote définitif avant la mi-octobre, début du traditionnel "marathon budgétaire".
Ce texte, qui ne figurait pas dans le programme électoral d'Emmanuel Macron, complète celui voté par le Parlement le 6 juillet qui prolonge pour la sixième fois l'état d'urgence, cette fois du 15 juillet au 1er novembre 2017.
Il propose de transcrire dans le droit commun plusieurs dispositions de l'état d'urgence comme les assignations à résidence, les bracelets électroniques ou encore l'interdiction de rencontrer certaines personnes.
Afin de tenir compte de certaines observations du Conseil d'Etat, les dispositions les plus critiquées ont été modifiées.
Ainsi, par exemple, un bracelet électronique pourra être posé avec son accord sur une personne et les perquisitions administratives seront décidées par le préfet, mais avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD).
Malgré les modifications apportées par le gouvernement, le texte ne fait toujours pas l'unanimité.
Les groupes parlementaires de gauche, diverses associations, les syndicats de magistrats et d'avocats estiment que ses dispositions mettent en danger les droits individuels.
Pour La Ligue des Droits de l'Homme, le texte risque de faire entrer la France "durablement dans un régime d'exception". Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a jugé dans un entretien au Monde, qu'il s'agit "d'une pilule empoisonnée".
"ADAPTER NOTRE DISPOSITIF"
Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), affirme qu'il "pollue le droit commun par des mesures d'exception".
Plus de 500 chercheurs et universitaires ont signé un appel dans lequel ils dénoncent "une régression de l'état de droit". La juriste Mireille Delmas-Marty dénonce lundi dans Libération le risque d'aboutir à un "despotisme doux".
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, qui présentait ce projet de loi, a rejeté ces critiques.
"Nous voulons sortir de l'état d'urgence. Mais nous ne pouvons pas le faire sans adapter notre dispositif de lutte contre le terrorisme", a-t-il dit.
Le Sénat a entériné les modifications apportées par sa commission des Lois "afin de garantir un équilibre entre les impératifs de sauvegarde de l’ordre public et de protection des droits et libertés constitutionnellement garantis".
Ainsi la plupart des amendements présentés par le rapporteur de la commission, le centriste Michel Mercier, ancien ministre de la Justice, ont été votés et notamment la limitation à quatre ans des dispositions issues de l'état d'urgence, jusqu'au 31 décembre 2021, parce que ces mesures exigent "un contrôle parlementaire renforcé avant leur inscription définitive dans le droit commun".
Le texte voté par la haute assemblée aligne les conditions de pointage, dans le cadre des mesures de contrôle administratif et de surveillance, sur celles prévues par le contrôle administratif des retours sur le territoire (CART) -trois par semaine et non plus chaque jour- et place le renouvellement de ces mesures sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
Il supprime l’obligation de déclaration des numéros d’abonnement et d’identifiants de communication électronique "en raison de l’atteinte forte portée au respect de la vie privée, au secret des correspondances et aux droits de la défense".
Le texte améliore également le régime juridique des visites domiciliaires et des saisies et crée des "périmètres de protection", sur arrêté préfectoral, pour la sécurisation des lieux ou évènements soumis à une menace terroriste.
Mais il en a circonscrit l’usage, ces périmètres ne pouvant être instaurés qu’en cas de risque "sérieux et actuel" d’actes de terrorisme et ne pouvant "revêtir un caractère pérenne".
(Emile Picy, édité par Yves Clarisse)