Plus gros producteur d'hydrocarbures d'Europe de l'ouest, la Norvège cherche officiellement à réduire sa dépendance au pétrole mais faire une croix sur une manne qui l'a rendue immensément riche n'est pas chose facile.
Si l'or noir a permis au pays nordique de constituer le plus gros fonds souverain au monde, d'une valeur aujourd'hui proche de 1.000 milliards de dollars, plusieurs "petits" partis veulent peser de tout leur poids aux législatives du 11 septembre pour accélérer une sortie de l'âge pétrolier.
"Nous exigeons l'arrêt de toute nouvelle exploration pétrolière", affirme à l'AFP Rasmus Hansson, un des deux codirigeants du parti écologiste. "Nous ne soutiendrons pas un gouvernent qui n'accepte pas notre ultimatum", prévient-il.
La formation, que plusieurs sondages placent dans une position charnière pour faire pencher la majorité à droite ou à gauche, plaide aussi pour l'arrêt d'ici 15 ans de toute exploitation pétrolière dans le royaume.
Le pays de 5,3 millions d'habitants réalise à quel point il est devenu "pétroolique" (accro au pétrole), surtout depuis l'effondrement des cours qui a détruit quelque 50.000 emplois dans son secteur pétrolier.
"L'hiver arrive", mettait en garde le gouverneur de la Banque de Norvège, Øystein Olsen, début 2016, en empruntant une célèbre formule de la série TV Game of Thrones. "La chute prononcée du prix du pétrole depuis l'été 2014 va mettre l'économie norvégienne à l'épreuve".
Ces sombres perspectives ont souligné l'importance d'une "conversion", désormais un leitmotiv dans la bouche des politiciens.
D'autant que l'accord de Paris sur le climat a entre-temps contribué à éveiller les consciences sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
"La planète Terre ne peut pas supporter davantage d'activités pétrolières. Celles-ci feraient de surcroît planer une incertitude croissante sur l'économie et l'emploi en Norvège", tant les énergies fossiles semblent menacées par l'essor des énergies renouvelables, fait valoir M. Hansson.
Frappé de plein fouet par la baisse des cours, le pays a ramené ses taux d'intérêt à un niveau historiquement bas et adopté une politique budgétaire expansive, quitte à ponctionner dans son fonds souverain comme le gouvernement de droite a commencé à le faire l'an dernier.
- L'hiver est reparti -
Contre toute attente, l'hiver est déjà reparti à en juger par les derniers chiffres de la croissance (0,7% aux premier et deuxième trimestres). Et avec lui, le sentiment d'urgence de transformer l'économie.
"La crise pétrolière est terminée, elle n'a pas été aussi coûteuse et dure qu'on croyait", note Erik Bruce, économiste chez Nordea. "La conversion des activités pétrolières en activités nouvelles va sans doute aller plus lentement", avance-t-il.
Selon un sondage publié fin août, 70% des Norvégiens estiment important de préserver l'industrie pétrogazière nationale contre 16% qui pensent le contraire.
Pourtant condamnés à rechercher des alliances pour gouverner, tant le parti conservateur au pouvoir que l'opposition travailliste ont rejeté l'ultimatum des écologistes.
Pas question pour les deux principales forces politiques du pays de se priver d'une manne qui représente encore 12% du PIB et 36% des exportations. La production nationale de brut a certes été divisée par deux depuis 2001, trouver des relais de croissance aussi juteux s'avère compliqué.
Tout en martelant son discours sur l'indispensable "conversion", le gouvernement de la conservatrice Erna Solberg a ouvert de nouvelles étendues de l'Arctique à la prospection pour compenser l'amenuisement des gisements en mer du Nord.
Cela lui vaut d'être attaqué en justice par Greenpeace et une autre ONG qui estiment que cette poussée des activités pétrolières dans le Grand Nord viole le droit à un environnement sain, garanti par la Constitution norvégienne, et l'esprit de l'accord de Paris.
L'issue du procès, qui se tiendra à Oslo en novembre, est d'autant plus importante que l'industrie pétrolière lorgne aussi l'archipel idyllique des Lofoten, haut lieu du tourisme et de la pêche.
Jusqu'à présent, seule l'opposition forcenée de petits partis des deux côtés de l'échiquier politique a permis d'écarter une "étude d'impact", probable premier pas vers une exploitation de ces eaux présumées regorger d'hydrocarbures.
Pour le gouvernement, le secteur pétrolier restera la vache à lait du pays "pendant de nombreuses décennies". "On ne peut pas démanteler l'industrie la plus lucrative de Norvège en la remplaçant par des châteaux en Espagne et des rêves incantatoires", soulignait la responsable des questions énergétiques du parti conservateur, Tina Bru, au début du mois.