EADS, maison mère d'Airbus, craint que les avaries qui immmobilisent le 787 de Boeing ne retarde l'obtention du certificat de navigabilité de l'A350, son atout maître pour percer sur le marché de long-courriers.
"Les autorités de certification, la FAA (Federal Aviation Administration, agence américaine de sécurité de l'aviation) et son pendant européen l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) vont devenir très nerveuses", a déclaré un dirigeant d'EADS.
Il a dit craindre qu'elles ne renforcent en conséquence les procédures de test et de certification des nouveaux avions, et donc celle de l'A350.
Ce nouveau long-courrier d'Airbus doit entrer en service au second semestre 2014. Tout retard de livraison aux compagnies clientes entraîne des dédommagements coûteux. Avec l'A350, qui concurrencera à la fois le 777 et le 787, Airbus veut mettre fin à la domination de Boeing sur le secteur des long-courriers.
Les cinquante 787 en service sont immobilisés dans le monde entier depuis le 16 janvier, sur ordre de la FAA, après qu'un de ces appareils a fait un atterrissage d'urgence consécutif à une avarie dans le système électrique.
Mais le constructeur européen évite de se réjouir des difficultés de son concurrent américain. Il rappelle qu'il en a lui-même rencontré d'importantes sur son superjumbo A380, et qu'il n'est pas à l'abri de nouveaux problèmes lors de l'entrée en service du nouveau long-courrier A350.
Les dirigeants d'EADS n'en soulignent pas moins leurs différences d'approche avec Boeing, qui a fait un saut technologique audacieux avec le 787.
"Ils ont fait de la technologie à mort, ils ont fait de l'+outsourcing+ (délégation de conception et production des éléments de l'avion) à mort. Nous avons été plus conservateurs", a déclaré l'un d'eux.
En termes de technologie, le fuselage du 787 est un cylindre en matériaux composites (à base de carbone), et de très nombreuses commandes de vol sont électriques plutôt qu'hydrauliques, ce qui augmente la demande d'électricité.
Airbus a préféré construire l'A350 avec des panneaux de matériaux composites sur une armature metallique, a choisi moins de commandes électriques, et l'a doté d'un système de génération d'électricité double, pour pouvoir basculer de l'un sur l'autre en cas de panne.
En termes d'outsourcing, Boeing a confié quelque 70% de la production à une cinquantaine de partenaires stratégiques, chargés à leur tour d'intégrer des éléments fabriqués par des sous-traitants secondaires et tertiaires, d'après une analyse de Steve Denning, expert américain en innovation technologique.
"Avec le temps, Boeing a du se rendre compte que certains partenaires stratégiques n'avaient pas le savoir-faire pour développer différentes sections de l'appareil ou l'expérience pour diriger les sous-traitants", écrit-il dans le magazine Forbes.
Le constructeur européen est parvenu aux mêmes conclusions. "On ne peut pas être maître d'oeuvre si on ne garde pas la maîtrise d'un certain nombre de technologies clés", a insisté un dirigeant d'EADS.
Il a reconnu qu'Airbus avait fait une erreur similaire lors de la construction de l'avion de transport militaire européen A400M, dont les premiers exemplaires doivent être livrés cette année. Airbus, a-t-il estimé, a sans doute délégué trop de fonctions du système d'aide à la gestion du vol (flight management system, FMS), qui calcule la route de l'avion, sa vitesse, son altitude et sa consommation de carburant.
L'A350 connaîtra lui-aussi des maladies de jeunesse, prévoient les patrons d'EADS. "Mais nous avons la chance d'arriver après Boeing et on essaie de tirer les leçons de ce qui leur arrive", notamment en vérifiant qu'Airbus n'a pas le même fournisseur à problème.