Pôle emploi confie à des opérateurs privés une partie de l'accompagnement des chômeurs, mais après plusieurs années la plus-value attendue n'est pas au rendez-vous et, pour se défendre, les prestataires pointent les "contraintes épouvantables" fixées par Pôle emploi.
Le service public externalise la plus grande part des prestations (ateliers CV, évaluations, accompagnement direct vers un emploi), plus de 63% en 2011, à des partenaires, associatifs ou privés: missions locales pour les jeunes, Apec pour les cadres, Agefiph pour les handicapés, professionnels du reclassement, etc.
Chez les opérateurs privés, choisis sur appel d'offres, les ambitions ont vite laissé place au désenchantement: chômeurs adressés en nombre irrégulier et imprévisible, méthodes contraintes, prix tirés vers le bas.
Le nombre de chômeurs dirigés vers ces structures est "partout aléatoire et irrégulier". "Plein d'organismes sont en train de mourir. Surtout les petits", et nombre de formateurs sont dans des contrats précaires, constate Michel Clezio, président de la fédération des Unions régionales des organismes de formation (Urof) regroupant quelque 260 prestataires.
C'est en région parisienne, où les loyers sont prohibitifs, que la situation est la plus critique. Hexajob, petit cabinet en péril, en sait quelque chose.
Son responsable, Alain Frémont, ne décolère pas: "les cahiers des charges sont pervers car ils nous obligent à dimensionner l'équipe en tenant compte des fourchettes maximum, d'ouvrir et équiper des locaux en conséquence", en l'occurrence six agences et autant de salaires à payer, pour au final des agences "vides". Pôle emploi lui a adressé un seul demandeur d'emploi en février, quand en octobre, plus de 80 personnes avaient été envoyées pour des bilans personnalisés.
"On nous annonce des flux sur deux ans mais on ne sait pas comment ils vont se répartir", se plaignent aussi les grands Opérateurs privés de placement (OPP), ces prestataires sollicités depuis 2005 pour des coachings de quelques mois, dont l'objectif est un retour à l'emploi. Pôle emploi leur confie plus de 14% des accompagnements. Environ 100.000 demandeurs d'emploi et licenciés économiques sont passés entre leurs mains en 2011, près de deux fois moins qu'en 2010.
"Laissez-nous nos méthodes"
Les agences restent vides, "vous réduisez les équipes" et puis "des tsunamis arrivent et vous devez vous réorganiser. Naturellement, ça dégrade la prestation", a témoigné Estelle Sovat, directrice générale de Sodie, deuxième OPP, devant la mission parlementaire sur Pôle emploi.
Devant les députés, les poids lourds du secteur ont réclamé la liberté d'adapter leur suivi au "profil" des chômeurs. "Avec le profilage, on pourra tous améliorer notre efficacité, laissez-nous nos méthodes, évaluez-nous sur les résultats", a insisté Martine Gomez, directrice de Manpower group.
Une trop grande part des évaluations déclenchant la rémunération variable prévue au contrat (10 à 60%) repose sur une logique "administrative". Si un demandeur d'emploi malade rate un rendez-vous et ne fournit pas de justificatif, "on n'est pas payés même si on l'a reclassé au final", déplore Christian Degeilhde, patron d'Altedia.
Lorsque l'étape formation est nécessaire, aucune incitation n'est prévue, ont également insisté les opérateurs.
Enfin, "Pôle emploi garde les personnes les plus proches de l'emploi", insistait en janvier devant les députés Pierre Ferracci, le président de Sodie.
Les chômeurs adressés au privé ont des niveaux de qualification inférieurs, moins souvent le permis de conduire et sont au chômage depuis plus longtemps, reconnaît une évaluation publiée en janvier 2013.
Mais même en prenant en compte ces "différences de profil", l'étude pilotée par Pôle emploi et le ministère du Travail conclut, comme les précédentes, à des taux de retour à l'emploi légèrement inférieurs pour les chômeurs suivis par le privé entre 2009 et 2011.
Dans les conditions actuelles de sous-traitance et ses "contraintes épouvantables", l'enquête est "biaisée", plaide M. Ferracci.
A la direction générale de Pôle emploi, les OPP, aiguillons censés dynamiser les performances des conseillers maison, n'ont plus le vent en poupe. "Les résultats en termes de placement ne sont pas tout à fait au niveau de ce qui était attendu", estime Serge Lemaitre, en charge de l'offre de services.
Néanmoins, "aucune conclusion définitive n'a été tirée par Pôle emploi", souligne ce responsable, pour qui l'activité des OPP "permet aujourd'hui d'augmenter la capacité d'accompagnement renforcé pour les demandeurs d'emploi les plus en difficultés".