Laurent Spanghero et les salariés porteurs d'un projet concurrent de sauvetage de la société de Castelnaudary (Aude), menacée de disparition à cause du scandale de la viande de cheval, ont durci le ton de leurs arguments vendredi à l'occasion d'un comité d'entreprise, à quelques jours d'une audience cruciale du tribunal de commerce.
Les 230 salariés, qui ont multiplié ces dernières semaines les actions de sensibilisation dans le Sud-Ouest, ont vécu cette journée avec anxiété, les deux projets ne prévoyant au mieux que la sauvegarde d'une centaine d'emplois.
S'ils ont obtenu plus de précisions sur ces offres de reprise, leur sort dépendra la semaine prochaine du tribunal de commerce de Carcassonne. Il examinera les deux offres de reprise mardi matin, et devrait trancher -retenir une des deux offres ou aucune- dans les jours suivants l'audience.
Interrogé par l'AFP, l'entourage du ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, a réfuté tout favoritisme et demandé "une forme d'engagement moral de la grande distribution afin qu'elle ne coupe (pas) les ailes" de l'éventuel repreneur.
Laurent Spanghero, 74 ans, qui dénonce le parti pris des pouvoirs publics et du maire de Castelnaudary en faveur du dossier de reprise concurrent, a été invité à détailler son projet devant le CE, accompagné de ses deux partenaires, un promoteur immobilier de Narbonne Jacques Blanc et un des dirigeants d'Investeam, une société d'investisseurs.
Baptisée "Les saveurs occitanes", la future entité de Laurent Spanghero préservera selon lui l'unité de l'entreprise -plats cuisinés et transformation de la viande- et pourra compter sur près de 2 millions d'euros de fonds propres et près de trois fois le besoin en fonds de roulement.
Le second projet, porté par des salariés et deux industriels, prévoit que Delpeyrat (foie gras, plats cuisinés), filiale landaise du groupe coopératif Maïsadour, reprenne les plats cuisinés, notamment pour fabriquer du cassoulet de Castelnaudary haut de gamme, tandis que la société Deveille, de Feurs (Loire), spécialisée dans la transformation de la viande (abattage, steaks, saucisses), reprendrait l'activité similaire de Spanghero.
M. Spanghero, qui a fondé l'entreprise avant de la céder en 2009 à la coopérative basque Lur Berri, a critiqué le projet adverse, estimant qu'il allait conduire au "démantèlement" de l'entreprise.
Danger de mort
Selon lui, la future entreprise a besoin de faire table rase de son passé récent pour retrouver de la crédibilité et récupérer la confiance des donneurs d'ordre, à savoir plusieurs enseignes de la grande distribution.
"L'entreprise, elle n'est pas malade, elle est en danger de mort. Je crois qu'on va peut-être la sauver mais il faut un sacré docteur pour la sauver car elle est encore gangrenée de l'intérieur", a déclaré M. Spanghero.
"Il n'est pas possible qu'il y ait eu autant de malversations dans cette entreprise sans complicités. Ça veut dire qu'il y a encore des complicités dans l'entreprise", a-t-il affirmé, rappelant qu'une enquête judiciaire était toujours en cours à Paris.
Jean Aparicio (FO), l'un des salariés impliqué dans le deuxième projet, a jugé pour sa part "irréaliste" et "flou" le projet M. Spanghero.
L'entreprise est aux abois depuis qu'elle a été désignée, mi-février, comme un responsable primordial du scandale européen de la viande de cheval, revendue pour du boeuf à des entreprises produisant elles-mêmes des plats cuisinés pour de grands distributeurs.
Spanghero, poids lourd économique régional qui revendiquait 360 salariés avant le scandale, espérait se rétablir mais, de l'avis général des salariés, la révélation a posteriori (le 19 mars) de la découverte dans l'entreprise de viande de mouton britannique prohibée, en même temps que la viande de cheval, a mis l'entreprise à genoux.
Elle n'est toutefois pas complètement à l'arrêt: un contrat avec Lidl, spécialiste allemand des supermarchés à bas prix, lui permet de faire travailler une cinquantaine de personnes, notamment dans la partie transformation de viande. Ce contrat sur la viande s'achève le 30 juin et sera réexaminé, selon un porte-parole de Lidl, une fois l'éventuel repreneur désigné.
Outre les deux projets de reprise, le comité d'entreprise, qui s'est achevé vendredi après-midi, s'est penché également sur les mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi.
Lur Berri propose notamment une enveloppe de 460.000 euros d'indemnités, soit 2.000 par salarié en cas de liquidation pure et simple. Si un repreneur devait être désigné, les salariés licenciés se partageraient cette enveloppe, ce qui porterait leur indemnité à environ 3.500 euros, a expliqué à l'AFP le secrétaire du CE Jérôme Lagarde (FO).