La Cour des comptes a épinglé mercredi le manque de transparence et les relations déséquilibrées entre l’État et les sociétés autoroutières, au profit de ces dernières qui appliquent des augmentations importantes des tarifs des péages.
Les sages de la rue Cambon se sont penchés dans un rapport sur les liens entre les pouvoirs publics et les principales sociétés concessionnaires d'autoroutes, privatisées en 2006, regroupées depuis au sein de Vinci Autoroutes (Cofiroute, ASF, Escota), APRR et Sanef (Sanef et SAPN). A eux trois, ils représentent les trois quarts du réseau autoroutier et ils ont perçus 7,6 milliards de péages en 2011.
Le constat de la Cour des comptes est sévère: "Le ministère chargé des Transports ne négocie pas avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans un cadre lui permettant de disposer d'un rapport de force favorable".
Les contrats de plan, signés pour cinq ans et qui permettent aux entreprises autoroutières de réaliser des investissements compensés par des hausses des péages "ne sont pas publics et sont conclus dans des conditions peu transparentes", a critiqué le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, auditionné mercredi matin par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
L’État "pas assez exigeant"
Quand les groupes privés ne respectent pas leurs engagements, "l’État ne se montre pas assez exigeant" et n'a que rarement recours à des mises en demeure ou des pénalités, souligne encore la Cour des comptes.
"La négociation tarifaire ne permet pas d'assurer les intérêts de l’État et ceux des usagers", a résumé M. Migaud.
En effet, le système des contrats de plan permet aux concessionnaires de compenser les investissements qu'ils réalisent par des augmentations des tarifs des péages routiers. Ce système, qui devait être l'exception, est devenu la règle et a conduit à des augmentations tarifaires supérieures à l'inflation, contrairement à la règle originelle de la concession", critique la Cour.
M. Migaud a chiffré à 1,2 milliards d'euros les compensations versées aux sociétés autoroutières dans le cadre des contrats de plan conclus depuis 2009.
"Les bénéfices des sociétés n'ont pas vocation à être réinvestis ou à permettre une diminution des tarifs. Ce modèle ne peut qu'aboutir à une hausse constante et continue des tarifs", a-t-il dénoncé.
Les présidents de Vinci Autoroutes, Sanef, SAPN et d'APRR se défendent dans un courrier envoyé à Gilles Carrez, le président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Ils assurent "respecter scrupuleusement" les contrats de concession et font valoir que les investissements qu'ils réalisent se font "à (leurs) frais, à (leurs) risques et périls" et qu'ils subissent une baisse du trafic des camions sur leurs réseaux.
Plafonner les hausses de tarif
Ils regrettent que la Cour des comptes "par ses conclusions négatives, jette le discrédit sur un système qui a toujours satisfait à ses engagements".
Le ministère des Transports, de son côté, préfère mettre en avant les quelques améliorations relevées dans le rapport. "Le ministère partage les constats de la Cour des comptes et va suivre ses recommandations", assure-t-on.
Pour redresser la situation, cette dernière conseille notamment de mieux définir le cadre des négociations et d'impliquer plus fortement le ministère de l’Économie et des Finances pour rééquilibrer le rapport de force face aux entreprises privées. Les sages préconisent aussi de "mettre en œuvre les dispositions contraignantes prévues (...) en cas de non-respect par les concessionnaires de leurs obligations", de réaliser systématiquement des contre-expertises des coûts des investissements prévisionnels présentés par les concessionnaires d'autoroutes.
Autre mesure préconisée et importante pour les automobilistes, la mise sur pied d'"un plafond d'évolution des hausses de tarifs" des péages.
Pour le député PS Olivier Faure, il faut encore aller plus loin. Les sociétés autoroutières pourraient être mises à contribution pour financer des projets au-delà des autoroutes, par exemple dans le cadre du Grand Paris.