L'écotaxe a cristallisé la colère de nombreux agriculteurs qui ont manifesté mardi dans tout le pays contre cette taxe pour les poids lourds qui doit entrer en vigueur le 1er janvier.
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a reconnu en milieu de journée qu'il y avait "certainement des choses à améliorer" dans sa mise en œuvre, contestée par la FNSEA, tout en niant qu'elle représente des "milliards et des milliards".
"J'entends bien les réticences... Il y a des sujets sur lesquels on est en train de regarder", a déclaré M. Le Foll selon lequel la taxe rapporterait "globalement en terme national autour de 400 millions, pas plus". Un chiffre corrigé ensuite par ses services, le ministère de l'Agriculture estimant que l'écotaxe devrait plutôt rapporter 760 millions à l'Etat, des "sommes intégralement fléchées vers la modernisation et le développement des infrastructures".
Selon la FNSEA, elle représenterait entre 1,3 et 1,8 milliard d'euros, a affirmé son secrétaire général, Dominique Barreau, pour qui cela correspond à "toujours plus de taxes, alors qu'on est en récession"!
Répondant à l'appel à la mobilisation, des agriculteurs ont bâché dès l'aube, en Seine-Maritime, des bornes électroniques destinées à l'enregistrement des passages des poids lourds, ainsi qu'à La Haye, près de Rouen. La FDSEA de Seine-Maritime demande l'ajournement de la taxe.
En région parisienne, une cinquantaine d'agriculteurs et maraîchers ont organisé une opération escargot dans la matinée et distribué des salades aux automobilistes à proximité d'un portique, aux alentours de Fontainebleau (Seine-et-Marne).
Entre les champs, dans la grande plaine sableuse de Fontainebleau, et le marché en gros de Rungis, les maraîchers devront passer pas moins de cinq portiques, a assuré à l'AFP Gurvan Le Gall, directeur de la FDSEA de Seine-et-Marne.
"Là, on est vraiment dans le circuit court que le gouvernement veut promouvoir! Ils font 30 km en moyenne. Mais leurs tomates seront davantage taxées que celles qui viennent du Maroc", s'est-il insurgé.
Exempter les petits producteurs
Selon lui, dans la région, l'écotaxe représentera un surcoût "de 30 à 50.000 euros par an pour les producteurs", a-t-il dit, rappelant que "depuis le début, on demande que les petits producteurs soient exemptés".
Dans le Sud, des agriculteurs ont détruit deux bornes écotaxe à l'aide d'engins de chantier sur le bord d'une route d'accès à l'autoroute A54 près de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). La manifestation a rassemblé plusieurs dizaines de tracteurs qui ont organisé une opération escargot dans l'après-midi sur l'A54. Une autre opération a eu lieu un peu plus tôt près d'Avignon, où des agriculteurs ont bâché une borne sur la route menant à Marseille.
Les agriculteurs ont aussi bloqué provisoirement plusieurs axes routiers dans l'Est à l'aide de tracteurs et de camions : l'A31 a été coupée dans la matinée en Moselle où des agriculteurs se sont rendus en tracteur en direction d'un portique, à hauteur de Fey, selon la gendarmerie.
Dans la Meuse, des agriculteurs ont bâché le portique de Ligny-en-Barrois, provoquant l'arrêt de la circulation sur la RN4, un axe traversant tout le département, selon la FDSEA.
Portique partiellement bâché également à Pontorson (Manche) et dans le Maine-et-Loire, près de Cholet. "On vient de nous donner un coup de pouce avec le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) mais si l'écotaxe est appliquée, elle représentera le double de ce qu'on y gagne", a dénoncé Pascal Levavasseur, président de l'Association régionale de la filière horticole et ornementale (ARFHO), qui redoute que son secteur connaisse à terme la même crise que l'agroalimentaire breton.
A Marans, au nord-est de La Rochelle (Charente-Maritime), c'est une dizaine de tracteurs qui ont ralenti la circulation en début d'après-midi. Là encore, les manifestants ont symboliquement bâché les bornes situées à la sortie de la ville. Dans l'Aveyron, une opération escargot a également été menée dans l'après-midi entre Baraqueville et Rodez, sur une dizaine de kilomètres.
Dans le Lot-et-Garonne, département très agricole, une délégation de la FDSEA a été reçue à la préfecture à Agen.
Même chose dans la Sarthe, où des représentants syndicaux et des dirigeants d'entreprises du secteur agroalimentaire ont rencontré le préfet, au Mans, lui demandant la suspension de la taxe.
"La filière agroalimentaire est fragile en ce moment", a commenté Arnaud Degoulet, président d'Agrial, une coopérative regroupant 10.000 agriculteurs. "Ce n'est pas avec des cadavres qu'on va payer l'écotaxe", a-t-il dit.
En Bretagne, où un portique a été abattu début août et deux autres ont été récemment sabotés, plusieurs dizaines d'agriculteurs ont bâché un portique à Elven (Morbihan).