Hong Kong suffoque dans un nuage de pollution qui fait tousser les milieux d'affaires, inquiets de voir la mégapole financière perdre son statut et sa matière grise au profit de concurrentes plus "propres".
"Pas mal de gens sont déjà partis" à cause de la pollution, assure James Middleton, président de l'association Clear the Air qui mène la guerre aux véhicules "sales" dont les rejets enveloppent Hong Kong d'une brume mortifère.
L'ancienne colonie britannique publie depuis le 30 décembre des mesures de pollution atmosphérique plus précises, compilées dans un nouvel Indice sanitaire de qualité de l'air (AQHI).
En dix jours, les niveaux de pollution n'ont pas quitté la zone d'alerte et atteint à quatre reprises le plus haut niveau de dangerosité qui recommande à la population de limiter les sorties en extérieur.
De nombreux Hongkongais ont fait part de leur inquiétude sur Twitter ou Facebook depuis la publication de l'indice, dont les associations écologistes espèrent qu'il va contraindre les autorités, accusées de laxisme, à prendre le problème à bras-le-corps.
Il "va certainement pousser le gouvernement à faire quelque chose", estime ainsi le responsable de l'ONG Clean Air Network, Kwong Sum-yin.
L'indice mesure les niveaux de concentration de plusieurs particules polluantes et les compare avec les admissions hospitalières pour troubles respiratoires et cardiovasculaires.
Le chef de l'exécutif hongkongais, Leung Chun-ying, s'est engagé à faire de la lutte contre la pollution de l'air une priorité de son mandat quinquennal.
Le gouvernement prévoit le remplacement de plus de 80.000 véhicules diesel entre 2014 et 2019 et des normes environnementales plus strictes pour les navires qui visitent le port de Hong Kong, l'un des plus fréquentés au monde.
Un programme de remplacement des pots catalytiques sur 20.000 véhicules supplémentaires, essentiellement des taxis, a démarré en octobre afin de réduire les émissions d'oxyde d'azote.
"Les familles finiront par partir"
Mais les ONG se plaignent de la lenteur avec laquelle ces mesures sont mises en oeuvre.
"Nous ne sommes pas satisfaits du calendrier", confirme Kwong Sum-yin.
Melonie Chau, de Friends of the Earth, préconise d'instaurer un système de circulation alternée en cas de pic de pollution, une gageure apparente dans ce temple du capitalisme financier où bus, tramways et taxis côtoient Lamborghini, Ferrari, Porsche et Rolls-Royce avec chauffeur.
Sauf que le sujet touche justement au portefeuille: Hong Kong a perdu son leadership mondial au classement 2013 des villes les plus compétitives dressé par l'International Institute for Management Development de Lausanne, se faisant dépasser par les États-Unis et la Suisse.
Les milieux d'affaires attribuent ce recul à la pollution et craignent qu'elle n'entache durablement la réputation de Hong Kong, nuisant à son attractivité auprès des talents étrangers dont la ville a besoin pour maintenir son rang en Asie.
"Je me verrais bien vivre quelques années à Hong Kong, mais y élever des enfants? J'y réfléchirais à deux fois", témoigne un touriste, Todd Scott, cadre supérieur canadien de 37 ans, en contemplant les gratte-ciel pris dans la suie.
James Middleton, de Clear the Air, prédit que "toutes les familles avec enfants, ainsi que ceux qui souffrent d'asthme, finiront pas partir".
Les mois d'hiver sont les plus pollués avec les vents du nord qui poussent de l'air chargé d'émissions toxiques en provenance de Chine populaire. Hong Kong est située à l'embouchure de la Rivière des perles, une région industrielle parmi les plus denses de Chine.
La concentration de particules fines en suspension (PM2.5) a même atteint le niveau de celles mesurées à Pékin le 10 janvier, une référence peu flatteuse en la matière, selon le site d'information chinois aqicn.org.