Avec un déficit de 20 milliards d'euros, la balance commerciale du Japon n'a jamais été aussi déséquilibrée qu'en janvier, un mois traditionnellement mauvais mais qui l'a été d'autant plus cette année que plusieurs facteurs négatifs se sont conjugués.
Le déficit annoncé jeudi par le ministère des Finances a atteint 2.790 milliards de yens, du jamais vu, a-t-il précisé, depuis 1979, année de début des statistiques commerciales.
Ce déficit de janvier équivaut à un quart de celui de toute l'année 2013 qui était un record annuel.
Ce très mauvais résultat, aggravé de plus de 70% par rapport à celui de janvier 2013, est dû à un bond de 25% des importations renchéries par la hausse des devises étrangères vis-à-vis du yen.
Les arrivages en provenance de l'étranger croissent parce que les consommateurs achètent plus avant la hausse le 1er avril d'une taxe sur les produits et services commerciaux.
"La récente hausse des importations peut largement être attribuée à cette forte demande intérieure", analyse l'institut Capital Economics.
Selon les détails donnés par le gouvernement, les importations ont cru en janvier de 8% en volume mais triplé en valeur, à 8.042,9 milliards de yens (57,5 milliards d'euros), un niveau inédit dans les annales.
"Je pense que le déficit devrait être amoindri à partir d'avril, puisque la consommation intérieure devrait diminuer après le passage de la taxe de 5% actuellement à 8%", a expliqué Hideki Matsumura, de l'institut JRI, interrogé par Dow Jones Newswires.
La variable de la demande intérieure joue d'autant plus que nombre d'industriels japonais ont transféré des sites d'assemblage à l'étranger et sont ainsi contraints d'importer les produits qu'ils fabriquent pour la clientèle nippone.
- Les produits nippons manquent d'acheteurs étrangers -
D'un autre côté, pour des raisons saisonnières, les exportations ont tendance à être plus faibles en janvier que les autres mois. Elles ont baissé de 0,2% en volume sur un an.
Leur valeur totale s'est néanmoins élevée de 9,5% en janvier par rapport à la même période de 2013, à 5.252,9 milliards de yens (37,5 milliards d'euros), grâce aux automobiles et à des produits chimiques notamment.
"Le contraste entre une certaine lenteur dans les économies extérieures et une économie nationale dopée est un autre facteur qui tend à pousser la balance commerciale dans le rouge", souligne M. Matsumura.
Même si les exportations ont crû en valeur de 22% vers les Etats-Unis, 20% vers l'Union Européenne, 13% vers la Chine et 6% vers le reste de l'Asie, ces hausses ne sont que relatives et dans tous les cas, sauf celui des Etats-Unis, les importations sont supérieures.
Les déficits commerciaux du Japon n'en finissent pas de se creuser depuis la catastrophe atomique de Fukushima en mars 2011.
Ce drame a obligé l'archipel à augmenter considérablement ses achats de sources d'énergie à l'étranger. Celles-ci lui coûtent d'autant plus cher que depuis fin 2012 le yen a chuté de l'ordre de 20-25% face au dollar et à l'euro du fait de la politique économique mise en oeuvre sous le gouvernement de Shinzo Abe, un conservateur arrivé au pouvoir fin 2012 avec l'objectif de redresser l'économie du pays via des largesses budgétaires, une grande souplesse monétaire et des réformes structurelles.
Toutefois, cette politique appelée "Abenomics" est encore au milieu du gué, et n'a toujours pas eu les effets escomptés sur les exportations qui, si elles augmentaient fortement grâce à la compétitivité renforcée des entreprises nippones, permettraient de rééquilibrer en tout ou partie la balance commerciale.
Il faut cependant pour cela et pour que la croissance ralentie du Japon s'accélère de nouveau, que les clients étrangers se montrent plus enclins à acheter des produits japonais, un levier sur lequel M. Abe a en fait peu de prise.
Les analystes se veulent cependant plutôt optimistes et indiquent que le pire pourrait avoir été atteint en janvier.