La décision de Vivendi de marier SFR à Numericable n'est pas qu'un coup dur pour Bouygues dont l'offre a été écartée, mais aussi pour le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg dont l'intervention dans ce dossier n'a pas fait l'unanimité.
Au bout d'une semaine de suspense sur l'avenir du deuxième opérateur de téléphonie français, sa maison-mère Vivendi a rendu son verdict vendredi. C'est l'offre d'Altice qui a convaincu le Conseil de surveillance. Elle sera détaillée lundi matin lors d'une conférence de presse d'Altice.
Mais quelques heures avant cette annonce officielle, le ministre avait vendu la mèche au micro d'Europe 1 et critiqué un choix "qui pose un certain nombre de problèmes et de questions".
"En moins de dix minutes, notre fougueux ministre du Redressement productif a trouvé le moyen d'annoncer en direct à la radio une décision du conseil de surveillance de Vivendi avant même qu'il se réunisse", s'est raillé samedi le Figaro dans un éditorial.
"Depuis sa forteresse de Bercy, le socialiste dispose de peu d'armes, la persuasion étant la principale. (...) Si le soldat est reconnu pour sa bravoure, ses faits d'armes apportent peu de succès. Tout juste est-il parvenu à mettre en échec le rachat de la pépite tricolore Dailymotion par le géant américain Yahoo", a commenté de son côté la Voix du Nord dans son éditorial.
-Soutien à l'offre de Bouygues-
M. Montebourg avait affiché dès le week-end dernier son soutien à l'offre de Bouygues, estimant que c'était la meilleure pour l'emploi.
"La concurrence par la destruction s'arrêtera si nous revenons à trois opérateurs mobile tout en maintenant des prix bas. Elle ne s'arrêtera pas si Numericable conquiert SFR puisque la concurrence restera à quatre dans le mobile", avait-il indiqué au Parisien.
Chez Vivendi, le choix de l'alliance à Numericable s'est fait "à l'unanimité", selon une source proche du dossier, les membres du conseil ayant apprécié un projet rapide qui donne des garanties sur l'emploi.
L'offre d'Altice propose un paiement en numéraire de 450 millions d'euros plus élevé que celui de Bouygues, assortis de 32% des parts de la nouvelle entité.
"Jean-René Fourtou (président du conseil de surveillance de Vivendi) s'est essuyé les pieds sur l'Etat", a confié un proche de M. Montebourg au Monde, dans l'édition de samedi.
Cinglant, le Financial Times, quotidien économique britannique, écrit que "l'impact exact des singeries du ministre de l'Industrie français (sur la décision) n'est pas clair. Mais on ne peut qu'espérer que le conseil de surveillance de Vivendi continue à les ignorer et à agir dans le meilleur intérêt des actionnaires".
"Arnaud Montebourg donne une vision, sa vision, elle n'est pas toujours bonne, mais il donne un souffle", a pour sa part estimé Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi et vice-président du conseil de surveillance.
"Il n'est pas propriétaire des affaires mais il a le droit de donner son avis, je trouve qu'il donne une flamme, et dans une France où on est un peu dans la sinistrose, sa voix est sympathique", a-t-il affirmé samedi en marge d'une conférence de presse.
Invité vendredi soir au journal de France 2, M. Montebourg ne s'est pas avoué vaincu et a estimé que le rapprochement entre Numericable et SFR n'était pas encore acquis.
"Je crois que le débat continue", a-t-il déclaré. "Je ne suis pas certain, il y a trois semaines de discussion, que les banques aient envie de s'exposer (...) outre mesure".
Il a également évoqué les recours possibles contre le choix de Vivendi et "des questions qui vont être posées aux autorités de la concurrence européennes et françaises. Donc je crois que le débat continue", a-t-il souligné.
Vivendi a précisé dans son communiqué qu'à l’issue des trois semaines de réflexion, "le Conseil de surveillance se réunira à nouveau pour examiner les suites à donner, et s’il doit en conséquence mettre un terme aux autres options envisagées".