par Paul Carrel
MILAN (Reuters) - Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a exhorté jeudi les gouvernements à entreprendre des réformes structurelles et à accroître l'investissement public pour relancer l'économie de la zone euro, en parallèle aux mesures de soutien monétaire décidées par la BCE.
S'exprimant au lendemain de la présentation de l'équipe de Jean-Claude Juncker à la Commission européenne, il a également jugé utile d'avoir une discussion sur la politique budgétaire globale de la zone euro avec l'idée d'augmenter l'investissement public pour soutenir la croissance.
La BCE, qui a encore réduit ses taux d'intérêt jeudi dernier et annoncé de nouvelles mesures pour relancer le crédit, ne peut agir seule pour la croissance, a-t-il souligné.
"Mon principal message aujourd'hui est que la zone euro ne verra l'investissement repartir que si les politiques structurelle, budgétaire et monétaire avancent main dans la main", a-t-il dit au forum financier Eurofi à Milan.
Le président de la BCE a redit que la banque centrale se tenait prête à "prendre de nouvelles mesures si nécessaire", mais il a consacré l'essentiel de son discours à l'investissement, condition sine qua non selon lui pour le retour à une croissance durable.
Il a ainsi noté que l'investissement dans la zone euro ne s'était que légèrement amélioré par rapport à ses niveaux de 2008, alors qu'il est bien au-dessus de ses niveaux d'avant-crise aux Etats-Unis.
"Nous ne verrons pas de reprise soutenable tant que cela ne changera pas", a-t-il dit. "Une augmentation décisive de l'investissement est essentielle pour rapprocher l'inflation du niveau où on voudrait la voir, pour stimuler l'économie et pour faire baisser le chômage."
Pour relancer l'investissement des entreprises, Mario Draghi demande aux gouvernements d'améliorer leur environnement réglementaire afin de ne pas, a-t-il dit, "saper le moral des entrepreneurs."
Il a cité l'Espagne en exemple, se félicitant de ses perspectives de rebond sur les deux prochaines années grâce à ses réformes en faveur des entreprises.
Un autre moyen d'encourager l'investissement consiste à diversifier les sources de financement des entreprises au-delà du seul circuit bancaire, a poursuivi Mario Draghi.
"Il nous faut donc développer des sources fiables de financements non bancaires, tels que l'appel aux marchés d'actions et obligataires, la sécurisation, les prêts de compagnies d'assurance ou de sociétés de gestion, le capital-risque et le financement participatif", a-t-il dit.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE "COHÉRENTE ET CRÉDIBLE"
Evoquant la politique budgétaire, Mario Draghi a appelé de ses voeux une "mise en oeuvre cohérente et crédible" du Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne, qui limite les déficits des Etats membres à 3% du produit intérieur brut.
Dans ce cadre, "les gouvernements peuvent trouver de l'espace pour soutenir l'investissement productif et parvenir à une composition des politiques budgétaires plus favorable à la croissance", a-t-il dit.
Il s'est félicité du projet de 300 milliards d'euros d'investissements publics dans l'UE annoncé par Jean-Claude Juncker.
S'agissant de la politique de la BCE, Mario Draghi s'est efforcé de dissiper les inquiétudes sur les rachats de titres adossés à des actifs (ABS) annoncés le 4 septembre par la banque centrale.
Les banques produisent des ABS en regroupant diverses créances puis en les vendant par tranches à des investisseurs afin d'alléger leur poids dans leur bilan et de pouvoir ainsi octroyer d'autres crédits.
La BCE est favorable à ce que les gouvernements apportent des garanties aux ABS pour aider au financement des petites et moyennes entreprises, mais "il vaut le coup de rappeler que les tranches senior d'ABS ont fait la preuve de leur statut d'actifs de haute qualité", a dit le banquier central.
Ces mesures, couplées au nouveau programme de prêts à long terme pour le secteur bancaire qui débutera fin septembre, "auront un impact non négligeable sur notre bilan", a reconnu Mario Draghi en estimant que celui-ci reviendra "vers les dimensions qu'il avait au début de 2012."
A l'époque, le bilan de la BCE dépassait les 3.000 milliards d'euros. Il était à un peu plus de 2.000 milliards la semaine dernière.
"Nos efforts (...) doivent se focaliser sur la relance de l'investissement", a conclu Mario Draghi. "Toutefois, et c'est vraiment le coeur de mon propos, nous ne parviendrons à stimuler l'investissement que si nos politiques structurelle, budgétaire et monétaire se renforcent mutuellement les unes les autres."
(Véronique Tison pour le service français)