par Julien Ponthus
PARIS (Reuters) - Vivement critiquées pour l'ampleur de leurs déficits publics, les autorités françaises insistent sur le poids que font peser sur leur budget les dépenses militaires qui garantissent la sécurité de l'Union européenne.
Pressés de revoir leur copie avant l'envoi du projet de budget 2015 à la Commission européenne, mercredi prochain, François Hollande et Manuel Valls campent sur leurs positions et cherchent à déplacer le débat sur un terrain moins favorable à l'Allemagne, celui des dépenses militaires.
"Nous accomplissons d'une certaine manière une très grande mission pour la France et pour l'Europe", a déclaré le week-end dernier le Premier ministre, plaidant pour que les engagements militaires français soient davantage pris en compte dans le calcul des déficits publics. "Les engagements militaires et financiers qui sont les nôtres doivent être davantage intégrés."
François Hollande était intervenu dans les mêmes termes le 28 août en soulignant lors de la conférence des ambassadeurs que la France était notamment présente au Mali et en République centrafricaine pour lutter contre le terrorisme, au bénéfice de toute l'Union européenne.
"L'ambition mille fois répétée d'une véritable Europe de la Défense –surtout de la part de ceux qui ne font rien– doit maintenant devenir une réalité", avait-il dit. "L'Union européenne ne peut pas tout attendre d'un ou de deux Etats membres –je dirais essentiellement d'un, c'est-à-dire la France– pour assurer l'essentiel de l'engagement budgétaire et humain au bénéfice de la sécurité de tous."
Signe de l'importance que revêtent à ses yeux ces déclarations, Manuel Valls a fait publier les éléments phares de son intervention à la "une" du site internet du gouvernement.
L'argument de l'exécutif est particulièrement salué par les frondeurs du Parti socialiste, qui estiment que les 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans déjà promis par la France risquent d'avoir un effet récessif sur l'économie.
"ILS SE TROMPENT UN PEU DE BATAILLE"
"Je ne vois pas pourquoi nous, la France, on serait victime d'une double peine: à la fois on contribue à la sécurité de l'Europe et en même temps on devrait se serrer encore plus la ceinture parce que d'autres ne le font pas", a dit à Reuters le député frondeur Pascal Cherki.
Pour ce dernier, l'Allemagne ne peut à la fois dépenser bien moins pour son armée que les 2% du produit intérieur brut préconisés par l'Otan et demander à la France de maintenir ses efforts pour se rapprocher de cet objectif.
Si cet argument porte en France, où grandit le sentiment de défiance envers les institutions européennes, il est jugé spécieux par les spécialistes des questions européennes.
"Les critères de Maastricht ne portent pas sur la qualité des dépenses", dit Daniel Gros, directeur du cercle de réflexion CEPS, pour qui l'argument français est irrecevable par les autorités européennes chargées de faire appliquer les règles.
"C'est vraiment un signe qu'on est vraiment arrivés au bout, qu'il n'y a plus d'arguments économiques", poursuit-il alors que pour la Commission, le défaut majeur du projet de loi de finances est de ne prévoir une réduction du déficit structurel que de 0,2 point, au lieu des 0,8 recommandé par Bruxelles.
Du reste, si la France cite souvent l'exemple des dépenses militaires, elle ne plaide pas avec constance pour modifier les règles, ce qui nécessiterait d'ailleurs une réforme des traités.
Pour Grégory Claeys, du centre de réflexion européen Bruegel, Paris fait fausse route en choisissant une stratégie sur les dépenses militaires au lieu de s'en tenir au terrain économique prévu dans les textes.
"Ils se trompent un peu de bataille, d'après moi ils devraient plutôt viser les circonstances (économiques) exceptionnelles", estime le chercheur en référence à la chute de l'inflation et de la croissance dans la zone euro qui frappe même l'Allemagne.
(Edité par Yves Clarisse)