La Cour des comptes s'est alarmée jeudi du trou historique de la Sécu en 2010, à près de 30 milliards d'euros, et de l'ampleur de la dette sociale, pressant le gouvernement de réduire les déficits des comptes sociaux qui, selon elle, ne sont pas uniquement dus à la crise.
"Le déficit des comptes sociaux est en soi une anomalie et sa conséquence, la dette sociale, est un véritable poison qui tue lentement notre système de protection sociale", a déclaré à la presse le premier président de la Cour, Didier Migaud, à l'occasion de la publication du rapport.
"La Cour renouvelle un message qui n'est pas nouveau mais compte tenu du caractère durable de ces déficits, nous alertons pour faire en sorte que des mesures de désintoxication puissent être prises le plus rapidement possible", a-t-il ajouté.
Le rapport annuel de la Cour sur la Sécurité sociale souligne que "jamais le déficit n'a atteint un niveau aussi élevé qu'en 2010". "A 29,8 milliards le déficit cumulé des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a un caractère historique. Il a plus que triplé en deux ans".
"Le niveau exceptionnellement élevé des déficits ne s'explique que partiellement par la crise économique. Moins de la moitié de celui du régime général provient de la faiblesse de la conjoncture", selon la Cour.
Elle précise que sur le 1,2 point de produit intérieur brut (PIB) qu'a représenté en 2010 le déficit du régime général, les "facteurs structurels" ont compté pour 0,7 point.
L'accumulation des déficits entraîne une "spirale d'accroissement" de la dette sociale qui s'élevait à 136 milliards fin 2010.
Cette dette a été cantonnée en 1996 dans la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) mais ce dispositif exceptionnel à l'origine "a été rendu pérenne par des transferts répétés de dettes", souligne la Cour qui note que le transfert total prévu jusqu'en 2018 s'élève désormais à 260 milliards.
Valérie Pécresse insiste sur les "raisons conjoncturelles"
L'analyse de la Cour n'est pas entièrement partagée par le gouvernement. Dans un communiqué la ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, a imputé à des "raisons conjoncturelles" l'ampleur historique des déficits sociaux.
"Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint un niveau de 28 milliards d'euros en 2010 pour des raisons qui étaient d’abord conjoncturelles, puisqu’il n’était que de 9 milliards d'euros avant la crise en 2008", a-t-elle affirmé, soulignant qu'en 2009, "sous l’effet de la crise, la masse salariale, principale assiette de ressources de la sécurité sociale, a baissé en 2009 pour la première fois depuis 1945".
La Cour des comptes recommande de "revenir à l'équilibre, selon un calendrier rapproché". Elle préconise d'"intensifier la maîtrise des dépenses sociales, notamment d'assurance maladie" et d'"augmenter les recettes en agissant prioritairement sur les +niches+ sociales".
Elle demande "une refonte d'ensemble de la politique suivie depuis vingt ans" en matière de médicaments, considérant que la consommation trop forte, les critères de fixation des prix trop "flous" et la prescription "trop peu maîtrisée", notamment à l'hôpital.
En 2009, les Français ont consommé près de 36 milliards d'euros en médicaments, soit 18% de plus qu'en 2004, entraînant une prise en charge croissante pour la Sécu. La dépense remboursée par l'assurance maladie représente 26,8 milliards d'euros, soit 74,5% de l'achat total de médicaments.