La France presse toujours les Européens, Berlin en tête, d'accélérer la mise en oeuvre de solutions aux problèmes de la zone euro, mais elle a dû se résoudre à un rythme plus lent, elle qui espérait il y a encore peu tourner la page de la crise dès le sommet de cette semaine.
A la rentrée, fort des avancées arrachées fin juin à Bruxelles, le président français François Hollande semblait dicter son tempo.
"Je veux qu'au Conseil européen" des 18 et 19 octobre, "sur la question de la Grèce et sur l'intervention de l'Europe pour soutenir des Etats qui peuvent être momentanément en difficulté, des décisions soient prises sans qu'il soit besoin de les reporter", lançait-il fin août. "On ne peut pas attendre", insistait-il, critiquant une Europe qui "reporte trop souvent ses décisions" et tarde ensuite à les appliquer.
Le message était ferme. Un ténor du gouvernement expliquait dans la foulée que "la volonté" du chef de l'Etat était bien d'avoir, mi-octobre, "une décision définitive sur la Grèce", et un "cadre de sortie de crise". Ce haut responsable appelait alors de ses voeux une demande rapide d'aide financière par l'Espagne afin de pouvoir mettre en application le dispositif imaginé par la Banque centrale européenne (BCE) pour faire baisser ses taux d'emprunt.
Un mois et demi plus tard, ces objectifs ambitieux ont été dilués. L'Allemagne n'y est pas étrangère, qui freine les négociations sur l'union bancaire et assure que Madrid n'a pas besoin d'aide.
La France reconnaît donc que la réunion de jeudi et vendredi à Bruxelles ne sera qu'un "sommet de mi-parcours" avant "les décisions importantes" désormais attendues "en décembre".
Sur tous les sujets sur la table, Paris a dû ronger son frein.
C'est le cas pour la Grèce. "François Hollande souhaite que d'ici la fin de l'année on règle la question grecque en tant que doute qui pèse sur le reste de la zone euro", fait-on valoir à l'Elysée. Le gouvernement français mise sur un accord à l'Eurogroupe du 12 novembre sur le délai demandé par Athènes pour réduire son déficit public et sur les moyens de financer ce retard.
"Réaffirmer"
Même report pour l'union bancaire. Paris fait toujours de la création d'un superviseur unique pour toutes les banques de la zone euro, la BCE en l'occurrence, la clé d'une sortie de crise.
Mais, constate-t-on de source française, "l'esprit de l'accord de juin a semblé être parfois remis en cause".
"Il faut le réaffirmer", estime-t-on dans l'entourage de François Hollande, où l'on espère arracher jeudi une "confirmation" du calendrier: "accord à la fin de l'année, adoption de la législation très vite début 2013 et, immédiatement, entrée en fonctions de la BCE comme superviseur des banques des pays sous assistance".
Cela doit permettre, tout aussi "immédiatement", la recapitalisation directe des banques espagnoles par le fonds de secours de la zone euro, de manière à ce que leur sauvetage n'alourdisse par davantage la dette de l'Espagne.
Si elle obtient gain de cause, la France est prête à discuter des modalités et du calendrier des étapes suivantes. L'Allemagne rechigne à aller aussi vite, mais aussi à voir l'ensemble de ses banques passer sous le contrôle de la BCE.
Sur Madrid enfin, Paris pense toujours que le gouvernement de Mariano Rajoy devrait demander l'aide européenne pour faire baisser ses taux d'emprunt. "Cela aurait des effets bénéfiques sur l'ensemble de la zone euro", juge-t-on de source française.
Une telle demande d'aide n'est pas à l'ordre du jour du sommet.
A défaut de l'obtenir d'une Espagne récalcitrante, la France espère au moins que les Européens lèveront les doutes sur les conditions qui accompagneraient un éventuel plan de secours. "En juin, on avait dit que les conditions n'iraient pas au-delà des recommandations déjà émises par la Commission européenne, mais il semble y avoir quelques doutes ou craintes en Espagne", relève-t-on, "il serait bien de le reconfirmer".