La Banque centrale européenne (BCE) n'est pas parvenue jeudi à ramener le calme sur les marchés, en pleine dégringolade, après avoir pourtant réactivé deux mesures exceptionnelles, dont son programme de rachat d'obligations publiques.
Les principales Bourses européennes ont toutes terminé la journée en baisse de plus de 3%, peu après une conférence de presse du président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, très attendue par les marchés qui espéraient quelque réconfort après plusieurs jours de baisse et de tension.
M. Trichet a annoncé que le conseil des gouverneurs de la banque avait décidé "à une écrasante majorité" de procéder à de nouveaux achats d'obligations.
Auparavant, il avait précisé n'avoir "jamais dit" que ce programme, entamé à contre-coeur au printemps 2010 pour porter secours à la Grèce, avait été "interrompu". La BCE n'en avait pourtant pas fait usage depuis plus de quatre mois, considérant qu'il appartient aux responsables politiques européens d'adopter les mesures d'ajustement nécessaires pour mettre fin à la crise.
Ces achats, censés aider les pays les plus fragiles de la zone euro, étaient réclamés par les marchés, selon plusieurs analystes. Mais cela n'a pas empêché les Bourses européennes de piquer du nez tandis que l'euro se dépréciait face au dollar et que l'or atteignait un nouveau plus haut historique.
Le fait que M. Trichet ait annoncé la reprise du rachat d'obligations, en termes sybillins, au détour d'une réponse à la question d'un journaliste, "crée des doutes sur le sérieux" de cet engagement, estime Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg Bank.
M. Trichet a par ailleurs "refusé de dire si la BCE allait aussi racheter des obligations espagnoles et italiennes", ce qui constitue un mauvais signe, poursuit l'économiste.
La BCE a pourtant également annoncé qu'elle allait aussi venir en aide aux banques, en mettant à leur disposition des liquidités supplémentaires.
Une opération exceptionnelle de prêt sur six mois sera lancée le 9 août avec une maturité au 11 mars 2012, en réaction aux "tensions renouvelées sur certains marchés de la zone euro", a précisé M. Trichet.
La BCE avait déjà procédé à ce type d'opérations pour faire face à la crise mondiale, mais ces opérations avaient cessé fin 2009.
L'allocation illimitée de crédits aux banques, à taux fixe et sur des périodes allant jusqu'à trois mois, est quant à elle prolongée d'un trimestre, jusqu'à janvier 2012.
Ces tensions sur les marchés ont conduit l'Espagne à reporter une émission obligataire prévue le 18 août, après celle qui a eu lieu jeudi matin au cours de laquelle le Trésor espagnol a emprunté 3,311 milliards d'euros à 3 et 4 ans, à des taux d'intérêt en forte hausse par rapport aux dernières émissions similaires.
Face à la dégradation de la situation, le président de la Commission européenne a prôné une réévaluation des capacités du Fonds de soutien européen, créé l'an dernier au plus fort de la crise grecque. Il a également revelé que la crise de la dette s'étendait désormais au-delà des pays fragiles de la zone euro, dans un courrier adressé aux dirigeants de l'Union monétaire.
M. Trichet souhaite précisément voir ce Fonds de soutien européen relayer rapidement la BCE comme cela a été décidé lors d'un sommet à Bruxelles le 21 juillet.
Or ce transfert serait "dangereux", estime Holger Schmieding. "En cas de panique irrationnelle, un message puissant est nécessaire pour l'arrêter", ce que seule une banque centrale "qui peut agir vite et à grande ampleur" peut faire", ajoute-t-il, estimant que la BCE avait "raté une opportunité d'agir de manière plus convaincante".
Les argentiers de la zone euro, qui étaient réunis jeudi en premier lieu pour décider de leur politique de taux d'intérêt, ont décidé sans surprise de laisser leur principal taux directeur à 1,5%.