La Banque centrale européenne (BCE), inquiète de voir les banques de la zone euro à court de liquidités, lance mercredi sa première opération de prêt sur trois ans à leur intention. Une manière détournée d'aider les Etats à se refinancer, analysent aussi certains.
Pour la BCE, ces prêts à long terme -jusqu'ici elle accordait des prêts au maximum sur 13 mois, d'un montant illimité et bon marché avec un taux d'intérêt de 1%, sont destinés à les aider dans un contexte tendu, où les marchés ne leur font pas confiance, afin qu'à leur tour elles prêtent aux entreprises et aux ménages pour soutenir la croissance.
L'annonce de cette mesure n'en a pas moins suscité l'idée que l'institution monétaire de Francfort (ouest), qui se refuse à être le prêteur en dernier ressort des pays de la région comme on le lui réclame depuis des mois, tentait de les aider de manière détournée.
Cela "a fait naître l'espoir que l'aide aux économies les plus en difficulté de la région allait être augmentée en passant par la fenêtre", commente Ben May, de Capital Economics.
En France notamment, l'Elysée a estimé que "chaque Etat pourra se tourner vers ses banques" pour placer leurs obligations souveraines boudées par les marchés ou qui leur réclament des taux très élevés.
Pour les banques, emprunter à 1% et placer cet argent sur des titres offrant des rendements allant jusqu'à 7% pour les obligations à dix ans italiennes, l’opération s'avérerait très rentable, soulignent les analystes de Barclays Capital Simon Samuels et Mike Harrison.
Mais ce raisonnement a ses limites.
Outre que, selon le président de la BCE Mario Draghi, cette interprétation de son action était erronée, les analystes estiment qu'il n'est pas certain que les banques utilisent l'argent emprunté pour accorder des crédits et encore moins acheter des obligations d'Etats, dans lesquelles elles ont perdu confiance depuis que la Grèce a fait défaut sur une partie de sa dette.
D'autant qu'elles mêmes doivent rassurer sur l'état de leurs finances mais aussi augmenter fortement leurs fonds propres pour faire face à la crise, tout en ayant des échéances importantes à rembourser en 2012.
M. Draghi a rappelé lundi que rien qu'au premier trimestre, quelque 230 milliards d'euros d'obligations bancaires arrivaient à terme.
"Pour le moment la principale préoccupation de la plupart des banques dans les économies troublées de la région est de trouver suffisamment d'argent pour rembourser leurs échéances et convaincre que leur exposition à la dette souveraine n'est pas une grande menace pour leur solvabilité", estime Ben May.
Le résultat de l'opération de mercredi est incertain: pour les analystes, les banques pourraient emprunter entre 100 et 400 milliards d'euros, une fourchette large. En juin 2009 pour la toute première opération sur un an de la BCE, elle avait alloué un montant de 442,24 milliards d'euros.
Pour les économistes, cette opération n'est pas la solution pour résoudre la crise de la dette et la BCE devra à plus ou moins court terme augmenter ses achats d'obligations publiques sur le marché secondaire pour aider les Etats dans le besoin. Même si M. Draghi continue d'affirmer que ce programme lancé à contrecoeur en mai 2010 n'est ni "infini ni illimité" et surtout pas destiné à financer les Etats.
Pour le gardien de la monnaie unique, rien ne sert de pointer en comparaison l'action de la Réserve fédérale américaine ou de la Banque d'Angleterre qui rachètent des montants illimités de bons du Trésor de leur pays, qui continuent d'emprunter à moindre coût malgré une situation économique pas reluisante.
"Le mandat de la Fed est d'assurer la stabilité de prix mais aussi d'encourager la croissance et l'emploi. Notre mandat est bien plus restrictif, il est d'assurer la stabilité prix sur moyen terme", a-t-il déclaré lundi devant la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.
Pour Gilles Moëc, économiste de Deutsche Bank, le Traité dit aussi que la BCE "peut contribuer aux objectifs de politique économique si cela ne porte pas préjudice à la stabilité prix. Elle pourrait donc faire plus pour soutenir la croissance".