Les pays européens acheteurs de l'avion de transport militaire d'Airbus, l'A400M, se sont réunis jeudi à Londres pour se concerter sur le partage de l'énorme surcoût du programme, que le constructeur a menacé d'abandonner s'ils ne remettaient pas de l'argent au pot.
Les Etats participants ont essayé d'aplanir leurs divergences, entre une France qui s'est dite prête à "tout faire" pour sauver l'avion et une Allemagne qui n'entend pas "se laisser bousculer".
La réunion à huis clos, entamée en début d'après-midi, s'est achevée dans la soirée. Un porte-parole du ministère britannique de la Défense, joint par l'AFP, n'a pas fait de commentaires sur les discussions, se contentant d'indiquer qu'un communiqué devrait être publié vendredi en début de matinée.
Etaient représentés : l'Allemagne, la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie, qui ont commandé au total 180 exemplaires de l'avion-cargo à Airbus, filiale du groupe européen EADS, laquelle n'était pas conviée.
Les sept Etats s'étaient engagés en 2003 à acquérir les appareils pour 20 milliards d'euros. Or, le coût du développement de l'A400M, qui a pris trois ans de retard, a explosé au fil des ans. Selon les sources, le trou pourrait atteindre jusqu'à 11 milliards d'euros.
EADS a fait monter la pression cette semaine, plaidant que la poursuite du programme mettait en péril sa rentabilité, et qu'il était hors de question de l'achever sans rallonge des clients.
Mardi, son patron Louis Gallois les a appelés solennellement à assumer leur part du fardeau, alors que le groupe a déjà provisionné une charge de 2,4 milliards d'euros liée au retard du programme, et à conclure un accord d'ici à la fin du mois.
EADS dit dépenser plus d'une centaine de millions d'euros par mois dans cet appareil, alors qu'il doit parallèlement financer la montée en puissance délicate de la production du très gros porteur A380, et le développement du moyen-courrier A350.
L'A400M est un appareil voulu par les membres européens de l'OTAN, qui souhaitaient disposer d'une flotte harmonisée d'avions-cargo, capables de transporter troupes et blindés légers. Ils avaient également exigé un moteur de fabrication européenne, construit par un consortium tripartite, compliquant ainsi le développement de l'avion.
Mais, ainsi priés de mettre la main au portefeuille, les Européens peinent à rapprocher leurs vues.
L'Allemagne, premier client de l'avion (60 appareils achetés, contre 50 pour la France, 27 pour l'Espagne et 25 pour le Royaume-Uni), traîne le plus des pieds. Le gouvernement allemand a assuré mercredi qu'il ne se laisserait pas "bousculer", même si Howard Wheeldon, analyste chez BGC Partners, se disait assez optimiste sur la possibilité d'un accord d'ici à la fin du mois.
A l'opposé des réticences allemandes, le ministre français de la Défense Hervé Morin a assuré que la France "ferait tout pour sauver" le programme, dont l'avenir inquiète les syndicats d'Airbus.
Jeudi, il a martelé que la France était prête à partager le surcoût de ce "programme magnifique" avec les autres pays et le constructeur, précisant que les négociations actuelles portaient sur une somme de 5 milliards d'euros.
Le Royaume-Uni a quant à lui réaffirmé son soutien au programme, mais "pas à n'importe quel prix", alors que ses finances sont exsangues et que plusieurs de ses programmes d'équipement militaire semblent sur la sellette.
Enfin, l'Espagne, qui a hérité de la ligne d'assemblage de l'avion, à Séville, s'est montrée soucieuse de l'achèvement du programme. La ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon, a jugé "impossible que nous ne soyons pas capables de faire aboutir ce projet", et plaidé en faveur d'un accord "raisonnable", tout en appelant Airbus à faire preuve de "générosité".