Personne à Washington ne sait combien de temps encore les Etats-Unis déjoueront les sombres pronostics suscités par l'explosion de leur dette publique et continueront à échapper à l'emballement des taux d'intérêt ou à la désaffection des étrangers.
Les mois passent, la dette américaine franchit des paliers (14.000 milliards de dollars en décembre, 100% du Produit intérieur brut en 2011 ou 2012), les agences de notation lancent des avertissements, et rien ne change: les Etats-Unis trouvent à emprunter autant d'argent qu'ils veulent, quand ils le veulent.
Impossible de dire quand cette machine se grippera.
"Mais maintenant que le pire de la récession est passé, nous devons faire face au fait que notre Etat dépense plus qu'il ne gagne. Ce n'est pas tenable", notait mardi le président Barack Obama dans son discours sur l'état de l'Union.
Selon des projections publiées mercredi par le Bureau du budget du Congrès, sur l'exercice qui s'achèvera le 30 septembre, pour chaque dollar de recettes, l'Etat fédéral devra dépenser 1,50 dollar.
Cinquante cents devront donc être empruntés, soit des dizaines de milliards de dollars chaque semaine. Car en fin d'exercice, c'est un trou de 1.480 milliards qu'il aura fallu combler, si les parlementaires ne trouvent pas de nouvelles sources d'économies ni de recettes.
Si on les rapproche de la richesse que créent les Etats-Unis, ces chiffres donnent un certain sens de l'urgence.
En 2010, la première économie mondiale a vu son PIB progresser de 541 milliards de dollars. La dette de l'Etat, elle, a explosé de quelque 1.700 milliards.
Pourtant, l'Etat américain n'a jamais aucun mal à vendre cette dette aux investisseurs, à des taux d'intérêt qui sont parmi les plus bas du monde (aux alentours de 3,35% pour les bons du Trésor à dix ans, actuellement).
Une explication simple veut que la demande sera insatiable tant que le dollar restera la monnaie de référence.
"Les banques centrales et les fonds souverains détiennent aujourd'hui plus de la moitié des bons du Trésor, d'après des estimations de JPMorgan", révélait jeudi le Financial Times. Et "ces acheteurs ne sont pas fortement sensibles aux variations de prix".
Pour le directeur des Affaires budgétaires au Fonds monétaire international, Carlo Cottarelli, le crédit du billet vert auprès des Etats étrangers n'est pas inépuisable.
"Nous nous demandons, nous-mêmes, ce qui fait d'une devise la monnaie de réserve, et il nous faut encore travailler sur cette question, assurément. Je pense que ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que ce n'est pas quelque chose qui peut durer éternellement, quelles que soient les conditions économiques", expliquait-il jeudi.
"Les Etats-Unis aujourd'hui ont beaucoup de crédibilité, comme le montrent des taux d'intérêt toujours très bas. Cela n'implique pas, cependant, que cela puisse continuer toujours en l'absence de rééquilibrage budgétaire", ajoutait-il.
A Washington, on ne trouve personne pour risquer une prévision sur le jour où la dette américaine inquiètera les marchés.
Le FMI se refuse à toute prévision détaillée. "Les perspectives pour les rendements des bons du Trésor sont incertaines", écrivait-il mardi.
"C'est un métier très difficile" que d'anticiper les crises financières, avouait jeudi devant une commission du Sénat le président Bureau du budget du Congrès, Doug Elmendorf. Et "il est très difficile de prédire ce qui se produira s'il y a un changement soudain de perception, en défaveur de l'achat de titres de dette du Trésor".