Le distributeur Carrefour, entré il y des mois dans une zone de turbulences, a suspendu son projet controversé de cotation de son immobilier, à sept semaines de l'assemblée générale qui devait l'adopter, et annoncé le départ-surprise de son responsable pour la France.
Le numéro deux mondial a limogé le patron des activités françaises (40% de ses ventes), le Britannique James McCann, deux mois après que son responsable pour l'Europe eut quitté le groupe.
"Les performances n'étaient pas à la hauteur des attentes du groupe", a expliqué un porte-parole à l'AFP, en ajoutant qu'il s'agissait d'un départ négocié.
Les hypermarchés français de Carrefour ont perdu 0,3 point de part de marché en cumul annuel mobile arrêté au 17 avril, à 12,4%, selon le site du magazine spécialisé LSA, citant des chiffres de Kantar Worldpanel.
M. McCann, recruté par le directeur général Lars Olofsson début 2010, devient le deuxième membre du comité exécutif à partir en quelques semaines, alors que Carrefour tente de mener à bien une profonde transformation pour se relancer.
Le directeur exécutif Europe Vicente Trius, ancien dirigeant du leader mondial de la distribution Wal Mart, est lui parti présider le canadien Loblaw.
Venu du groupe britannique Tesco, "M. McCann avait impressionné la communauté des investisseurs", rappellent les analystes de Jefferies, estimant que son départ devrait susciter "quelques inquiétudes".
A la Bourse de Paris, l'action Carrefour a chuté de 1,93% à 31 euros dans un marché en baisse de 0,95%.
"La crédibilité du groupe est affectée" par son départ, estiment les analystes d'Evolution Securities.
Jean-Marie Lhomé d'Aurel BGC y voit "la confirmation des fortes dissensions au sein du comité exécutif, principalement depuis l’annonce des projets de scission" de 100% de la branche hard discount Dia et 25% de la foncière Carrefour Property.
Jeudi, le groupe a annoncé le report de la mise en Bourse de la filiale immobilière. Officiellement, parce qu'il n'était pas possible de "mener plusieurs chevaux de bataille en même temps", selon un porte-parole.
Car après le départ de M. McCann, Lars Olofsson aura l'autorité directe sur l'Hexagone pendant une période transitoire, "afin d'accélerer le redressement des performances de la France et de poursuivre l'éxecution du plan de transformation".
Le fonds activiste Knight Vinke (1,5% du capital), hostile à la cotation des murs, a estimé avoir été entendu. Il a révélé avoir écrit en avril au président du Conseil d'administration Amaury de Sèze, lui expliquant avoir rencontré "45 des principaux actionnaires" de Carrefour détenant "plus de 20% du capital".
"La plupart d’entre eux nous ont indiqué spontanément leur intention de rejeter la résolution relative à la scission de 25% de Carrefour Property", affirme le fonds.
Le projet, qui ne sera finalement pas soumis à l'Assemblée générale du 21 juin, aurait eu besoin de 66% des votes pour être adopté.
Les deux principaux actionnaires, le fonds Colony Capital et l'homme d'affaires Bernard Arnault, sont généralement considérés comme les promoteurs de ces scissions pour compenser une moins-value sur leur investissement dans Carrefour. Ils détiennent 14% du capital et 20% des droits de vote.
Les projets de scission n'avaient pas emporté une franche adhésion, suscitant l'opposition de petit porteurs, de membres de la famille fondatrice, de syndicats... et laissaient plusieurs analystes dubitatifs.
Le projet de cotation de Dia est lui maintenu.
Carrefour a aussi confirmé ses objectifs. Le contraire aurait échaudé la communauté financière, après deux avertissements sur résultat fin 2010.
Le départ de M. McCann a par ailleurs inquiété les syndicats. "On perd quelque part un allié (...) Il défendait un projet plus commercial que financier", selon Dejian Terglaz (FO).
Pour Virginie Cava (CGT), son passage "a laissé des traces. On ne va pas pleurer sur son départ, mais qui vont-ils mettre à sa place? Un tueur?".