La Commission européenne prévoit un cocktail de propositions pour relancer l'emploi incluant des salaires minimums "décents" mais aussi leur "différenciation" par branches, de nature à susciter la controverse en France notamment en pleine campagne présidentielle.
Le commissaire à l'emploi Laszlo Andor, qui doit dévoiler ce document non contraignant mercredi, marche sur des oeufs. Car l'exécutif européen n'a que peu de compétences dans ce domaine sensible réservé largement aux gouvernements nationaux.
Mais Bruxelles entend initier un débat au moment où l'Europe est à la recherche de pistes pour soutenir la croissance en berne du continent.
"L'idée est de proposer une coordination des politiques de l'emploi un peu sur le modèle de ce qui se passe pour les politiques budgétaires" afin d'encourager les gouvernements nationaux à prendre en compte le marché de l'emploi de l'Union dans son ensemble et plus seulement dans le cadre de leurs frontières respectives, a indiqué lundi à l'AFP une source européenne proche du dossier.
La Commission rouvre en particulier le débat délicat sur les salaires minimums. Elle voit d'un bon oeil la mise en place de salaires minimums "qui ne soient pas trop bas", indique cette source européenne.
Un message qui s'adresse à l'Allemagne en particulier où ils sont jugés trop faibles, selon cette source. La chancelière Angela Merkel, sous pression de la France en particulier pour encourager des hausses de salaires dans son pays et soutenir ainsi la demande intérieure, n'appréciera pas forcément.
"Nous posons la question: lorsqu'un salaire minimum est trop bas, qu'il est gelé depuis trop longtemps cela ne constitue-t-il pas un frein à l'embauche des travailleurs non qualifiés", qui sont du coup faiblement incités à aller occuper un emploi car la différence par exemple entre leurs allocations chômage et le salaire est trop faible?, souligne-t-elle.
Selon un diplomate européen proche du dossier, cela marque une évolution du discours de la Commission. Alors qu'il était surtout libéral jusqu'ici sur ce point en jugeant que les salaires minimums constituaient un frein à l'embauche, "la Commission considère qu'à un niveau approprié ils peuvent être un moyen d'éviter les trappes à pauvreté", dit-il.
Si cet aspect peut séduire les partis de gauche et les syndicats en Europe, il n'en va pas forcément de même pour d'autres volets du document de la Commission.
La dernière mouture du texte indique ainsi "que des salaires minimum différenciés, tels qu'appliqués dans certains Etats membres (de l'UE), peuvent constituer un moyen efficace" de soutenir le marché de l'emploi. Cet élément a été révélé lundi par les quotidiens Le Figaro et Süddeutsche Zeitung,
L'Allemagne dispose d'un tel système où le salaire minimum est négocié secteur par secteur. "C'est fait pour mieux cibler les secteurs porteurs", souligne une source européenne.
Mais en France l'idée a déjà commencé à susciter des protestations. La candidate d'extrême droite à l'élection présidentielle des 22 avril et 6 mai en France, Marine Le Pen, a accusé la Commission de vouloir "l'explosion du SMIC", le salaire minimum français, et a dénoncé un "cocktail de mesures ultralibérales".
Autre suggestion sensible: la Commission propose de transformer une partie des allocations versées aujourd'hui aux chômeurs en aides actives à la création d'emploi pour eux, système à ses yeux plus efficace que "l'assistance". Et elle plaide à nouveau en faveur d'une baisse des charges salariales.
Enfin, Bruxelles jette un dernier pavé dans la mare en demandant de lever sans délai les dernières restrictions à l'arrivée des Roumains et Bulgares sur les marchés du travail de plusieurs pays rétifs, dont la France. Ces restrictions doivent en principe rester jusqu'à fin 2013.