par George Georgiopoulos et Michele Kambas
ATHENES (Reuters) - Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a annoncé tard vendredi soir la tenue le 5 juillet prochain d'un référendum pour ou contre les propositions "en forme d'ultimatum" présentées dans la journée par les créanciers de la Grèce.
"Ces propositions violent clairement les règles européennes et les droits fondamentaux au travail, à l'égalité et à la dignité, montrant que l'objectif poursuivi par certains de nos partenaires et certaines 'institutions' n'était pas un accord viable pour toutes les parties, mais peut-être l'humiliation d'un peuple tout entier", a-t-il dit lors d'une courte allocution télévisée à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire.
Tsipras, de retour de Bruxelles où des négociations marathon avec ses partenaires européens et le Fonds monétaire international (FMI) n'ont pas permis de déboucher sur un accord "argent frais contre réformes", a indiqué qu'il demanderait une prolongation de quelques jours du plan de renflouement en cours, qui arrive en principe à échéance mardi prochain, 30 juin, le jour où la Grèce doit rembourser 1,6 milliard d'euros au FMI.
Porté au pouvoir après la victoire de son parti de gauche radicale Syriza aux élections législatives de janvier dernier sur la promesse d'en finir avec l'austérité, Tsipras a précisé qu'il avait prévenu François Hollande, Angela Merkel et Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, de son projet de référendum.
Selon Gabriel Sakellaridis, le porte-parole du gouvernement grec, ce dernier aurait fait montre de "compréhension et de sensibilité" lors de sa conversation téléphonique avec Tsipras.
Le président de la BCE, dit-on dans l'entourage du Premier ministre, devrait rencontrer ce samedi le vice-Premier ministre grec Giannis Dragassakis, le ministre des Finances Yanis Varoufakis et le négociateur en chef Euclide Tsakalotos.
La proposition des "institutions" (Commission européenne, BCE et FMI), a fait valoir Tsipras, font peser un "fardeau insupportable" sur la nation grecque, qu'il appelle à apporter une "réponse solide" à cet "ultimatum".
"Face à ce chantage visant à vous faire accepter un programme d'austérité humiliant, sans fin et sans perspective (...), je vous appelle à vous prononcer en souveraineté et avec fierté ainsi que l'exige l'Histoire fière des Grecs", a-t-il dit.
AUCUNE RÉACTION À CE STADE DES PARTENAIRES D'ATHÈNES
Panos Kammenos, ministre de la Défense et chef de file des souverainistes de droite du Parti des Grecs indépendants (Anel), associé à Syriza, a annoncé qu'il demanderait à ses électeurs de rejeter le plan des bailleurs de fonds de la Grèce.
Annoncée en pleine nuit, le projet n'a entraîné pour l'heure aucune réaction de la part des "institutions" ou des pays de la zone euro, dont les ministres des Finances sont censés se réunir ce samedi pour la quatrième fois depuis le début de la semaine.
En Grèce, en revanche, Antonis Samaras, chef de file de Nouvelle démocratie (droite) et prédécesseur de Tsipras au poste de Premier ministre, a accusé son successeur d'avoir "conduit le pays dans une impasse totale, entre un accord inacceptable et une sortie de l'euro". Ce référendum, a-t-il ajouté, portera en fait sur l'appartenance à l'Union européenne.
Le Parti socialiste (PASOK) a appelé pour sa part à la démission de Tsipras. "Puisque M. Tsipras est incapable de prendre des décisions responsables, il devrait démissionner et laisser les citoyens voter pour leur avenir via des élections", a déclaré Fofi Genimmata, le chef du PASOK, dans un communiqué.
Ce n'est pas la première fois depuis le début de la crise grecque, fin 2009, qu'Athènes a recours à l'arme du référendum dans les négociations avec ses partenaires.
Fin octobre 2011 déjà, le Premier ministre à l'époque socialiste George Papandréou, sans consulter ses partenaires européens, avait annoncé la tenue d'un référendum sur le programme d'austérité lié à l'aide financière internationale.
Trois jours plus tard, en marge d'un sommet du G20 à Cannes, le président français, Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande, Angela Merkel, l'avaient prévenu que la Grèce ne recevrait pas un centime de plus si elle ne mettait pas en oeuvre les mesures d'austérité prévues par le plan de renflouement.
Le projet de référendum, également à l'origine d'une crise politique intérieure en Grèce, avait finalement été abandonné et Papandréou avait démissionné le 9 novembre, laissant place à un gouvernement de coalition dirigé par Lucas Papademos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne.
Tsipras a annoncé que le projet serait soumis pour ratification au Parlement dès samedi.
(Henri-Pierre André pour le service français)