La première baisse depuis plus de deux ans du nombre d'inscrits à Pôle emploi, même faussée par le boom inexpliqué des sorties de listes, confirme que la phase dure de crise est dépassée mais l'inversion durable promise par François Hollande en fin d'année reste incertaine, selon les experts.
En août, pour la première fois depuis avril 2011, le nombre des inscrits a chuté: 50.000 de moins pour la seule catégorie A (personnes n'ayant pas du tout travaillé au cours du mois) en métropole.
Ce reflux d'une ampleur inégalée depuis près de 13 ans s'explique notamment par une explosion des "cessations d'inscriptions pour défaut d'actualisation": 77.500 personnes de plus qu'en juillet (+38,8%) ont disparu des listes faute d'avoir informé Pôle emploi de l'évolution de leur situation.
"Sans cet énorme saut, on aurait encore eu une hausse de l'ordre de 10.000 ou 20.000 personnes" mais "on est effectivement sortis de cette phase de la crise où l'on avait des hausses de 40.000 chômeurs par mois", estime Marion Cochard, de l'OFCE.
Les chiffres d'août "ressemblent à ceux du mois précédent, à savoir un marché du travail qui semble en phase de stabilisation", ajoute-t-elle.
"Quelques indicateurs sont en légère hausse, avec un peu plus d'offres déposées à Pôle emploi et moins d'entrées après des fins de CDD ou d'intérim", relève-t-elle. Les nouvelles inscriptions ont diminué de 9,4%.
Philippe Waechter (Natixis) souligne également que la "majeure partie" de l'amélioration en août "vient des mesures de gestion des inscrits à Pôle emploi". "A ce rythme d'accélération des sorties (des listes) le pari sera gagné à la fin de l'année", ajoute-t-il.
Néanmoins, "on est dans une phase un peu attentiste et une bascule est probablement en train de se mettre en place", croit M. Waechter.
Le nombre d'entrées à Pôle emploi après une fin de CDD, d'intérim ou un licenciement économique "n'a jamais été aussi faible". L'analyste décèle là un "changement du côté des chefs d'entreprises: ils ne veulent plus licencier parce qu'ils perçoivent un environnement macroéconomique plus favorable".
Amélioration "trompe-l'oeil"
Avant cette amélioration, qualifiée de "trompe-l'oeil" par Force ouvrière, et de "manipulation statistique" par l'UMP, la hausse du nombre de chômeurs avait déjà nettement ralenti ces derniers mois.
A l'échelle européenne, l'embellie se profile aussi: pour la première fois en deux ans, le nombre de chômeurs a reculé en juin et juillet.
La reprise est là mais l'activité économique est trop faible pour espérer renverser à court terme la courbe avec les créations d'emplois privés.
Les entreprises "ne sont pas encore prêtes à réembaucher", constate M. Waechter, pour lequel "la bascule reste à confirmer".
Pour inverser durablement la courbe, il faudrait environ 1,5 point de croissance annuelle du PIB, affirment généralement les économistes, bien au-delà des chiffres attendus en 2013, et même 2014.
Dans ce contexte, le gouvernement ne peut compter que sur les emplois aidés pour remporter son pari.
Sous l'effet de la montée en charge des emplois d'avenir (60.000 signés sur un objectif de 100.000 en fin d'année), le nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi baisse depuis quatre mois.
"Le gouvernement va mettre le paquet sur les emplois aidés au second semestre. Donc on pourra avoir des mois avec des baisses de chômage" mais "sans commune mesure avec les chiffres d'août", pense Mme Cochard (OFCE). Mais pour Jean-François Copé, le président de l'UMP, ce "n'est pas la vraie baisse du chômage".
Le gouvernement sait que les prochains chiffres pourraient être une douche froide. Les chiffres des inscrits à Pôle emploi sont par nature très volatils, et beaucoup de jeunes sortis d'étude en juin ne s'inscrivent qu'en septembre.
"Ce n'est pas parce que ça baisse en août que ça ne va pas augmenter un mois derrière", a observé le ministre du Travail Michel Sapin. Août est "encourageant" mais "il n'y aura d'inversion durable" de la courbe du chômage que si la baisse se poursuit "sur plusieurs mois", a déclaré jeudi le président François Hollande.