La directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a connu six premiers mois tourmentés dans ses nouvelles fonctions, entre crise de la dette en Europe et ralentissement de l'économie mondiale, et elle sait déjà que le plus dur est encore à venir.
Directement débarquée de Paris au début de l'été, la Française a à peine eu le temps de poser ses valises à Washington. Cette ancienne championne de natation synchronisée confiait mi-décembre au Washington Post qu'elle n'avait encore pris ses habitudes dans aucune piscine.
Côté professionnel, il n'a pas été facile de trouver ses marques, et en particulier la bonne distance avec ses anciens collègues européens.
L'ancienne ministre de l'Economie était encore proche d'eux quand le 21 juillet, à l'issue d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles, elle accueillait favorablement l'idée que la Grèce demande un prêt encore plus grand au FMI. Il n'en est plus question aujourd'hui.
Un mois plus tard, elle prenait ces mêmes Européens à contre-pied en affirmant que les banques du continent avaient "besoin d'une recapitalisation urgente". Fustigée à Bruxelles, Londres, Paris, Francfort, Berlin ou Madrid, cette déclaration restera dans les mémoires.
"L'acte fondateur a été de dire: on a un problème bancaire. Le FMI faisait passer le message en privé depuis des mois, mais n'était pas entendu", rapporte une source proche du Fonds. Depuis, il l'a été.
Mme Lagarde est aujourd'hui l'une des voix les plus franches sur les problèmes de la zone euro. Dans ses dernières déclarations de l'année, elle a jugé l'accord du sommet de l'Union européenne du 9 décembre "pas assez détaillé sur les aspects financiers et trop compliqué sur les principes fondamentaux".
"Elle a été plus dure vis-à-vis de l'Europe que Dominique Strauss-Kahn", auquel elle a succédé, estime Claudio Loser, ancien directeur du département Amériques du FMI.
A Washington, sa liberté de ton et son pragmatisme séduisent. Apparue parmi les personnalités "les mieux habillées" de Vanity Fair, immortalisée faisant du yoga chez elle par Paris Match, suivie sur un marché parisien par la chaîne américaine CBS, l'ancienne avocate s'est taillée une réputation de droiture et d'habileté.
"Je pense qu'elle a fait un travail formidable. Face à la crise européenne les circonstances exigeaient que le FMI soit un soutien en coulisses plutôt qu'un meneur en première ligne. C'est ce qui s'est produit", estime Colin Bradford, économiste du Petersen Institute à Washington.
"Elle a été une dirigeante efficace. Quelqu'un de sérieux, très prudent dans ses prises de positions", ajoute-t-il, interrogé par l'AFP.
La corporation des économistes, dont elle ne fait pas partie, lui reconnaît sa souplesse intellectuelle et son aptitude à la synthèse des points de vue. Mais ses convictions personnelles restent encore un mystère.
Ainsi sur la question du bon degré d'austérité et de soutien de la demande, elle écrivait en août: "Le rééquilibrage budgétaire doit résoudre une équation délicate en n'étant ni trop rapide ni trop lent".
"Elle n'est pas encore prête à dire à un dirigeant d'un pays qu'il doit se mettre à l'austérité", relève Claudio Loser, ancien directeur du département Amériques du FMI. Il trouve que depuis son arrivée à la tête de l'institution, Mme Lagarde "s'est bien débrouillée, entourée d'un personnel très compétent".
La Française a aussi éludé une interrogation délicate: le montant des ressources dont il faut doter son institution. Selon M. Loser, "elle donne l'idée générale, pas les chiffres exacts". D'après elle, ils dépendront des circonstances.