Le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, pionnier du micro-crédit, a souligné, jeudi à Paris, que le projet d'entrepreneuriat social qu'il défend s'adresse aussi aux "grandes entreprises", même si l'initiative individuelle est au premier plan.
M. Yunus a expliqué que le "social business" visait à "trouver des solutions économiques" à des grands problèmes de santé publique ou d'environnement mais sans l'objectif de "faire de l'argent", lors d'une rencontre avec la presse à l'occasion d'une conférence organisée par Veolia Environnement qui mène un projet d'eau potable au Bangladesh.
Pour M. Yunus, "les grandes compagnies sont les bienvenues, les petites et moyennes entreprises sont bienvenues et les individus eux-mêmes sont les bienvenus", et il entend d'ailleurs "s'adresser d'abord aux individus", notamment les jeunes.
Veolia et la Grameen Bank, fondée par M. Yunus, ont créé en 2008 une coentreprise (Grameen Veolia Water, aujourd'hui détenue à 75% par Veolia) pour l'approvisionnement en eau potable, par traitement de l'eau de rivière, du village de Goalmari, une zone où l'eau des puits est contaminée par l'arsenic.
Veolia Environnement souhaitait "expérimenter un modèle nouveau, le modèle du social business où il n'y a pas de subvention", a expliqué Antoine Frérot, PDG du groupe français.
"Beaucoup de systèmes d'accès à l'eau se sont effondrés par l'arrêt d'aides extérieures. L'idée est donc d'un équilibre économique, sans subvention, mais en contrepartie de ne pas attendre de profit à court terme", a ajouté M. Frérot. "Pas de pertes, mais pas de dividendes", a-t-il résumé.
Contacté par Veolia, M. Yunus a fixé le prix à atteindre pour que l'eau soit accessible aux habitants. Sur cette base, Veolia vise un équilibre économique à l'horizon 2014-2015.
Le Pr Yunus, venu à Paris pour la sortie en français de son livre sur le "social business", a monté des projets au Bangladesh avec des grandes entreprises françaises (Veolia, Danone), allemandes (BASF, Adidas), japonaises (Uniqlo) ou américaines (Intel), a-t-il rappelé.
Les multinationales "font peur", a-t-il observé, en notant qu'il y avait une crainte que les expériences de social business ne soient pour les grands groupes "des sortes de vaisseaux amiraux" pour entrer "dans la toute petite économie du Bangladesh". Mais "c'est du social business, ils ne vont pas faire de l'argent avec ça", a-t-il ajouté.