PARIS (Reuters) - L'exécutif, contraint de revoir en catastrophe son projet de budget 2019 pour y intégrer les concessions d'Emmanuel Macron aux "Gilets jaunes", va devoir faire un choix : compenser ces nouvelles dépenses par des économies supplémentaires ou renoncer à contenir le déficit public dans les limites européennes.
"Nous allons faire des économies, comme nous nous y sommes engagés", a déclaré mardi Benjamin Griveaux sur BFMTV, au lendemain de l'annonce par Emmanuel Macron de mesures notamment à destination des salariés au smic et de certains retraités, évaluées entre huit et dix milliards d'euros, sans compter un manque à gagner de quatre milliards d'euros sur la fiscalité des carburants.
Ces économies s'effectueront notamment "dans le mode de fonctionnement de l'Etat", a poursuivi le porte-parole du gouvernement. "Nous allons réduire la voilure de certains services de l'Etat", a-t-il dit.
Benjamin Griveaux a en revanche exclu l'hypothèse d'un décalage de la transformation du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) en baisse de charges pérenne, comme suggéré par certains économistes.
"Elle n'a pas de raisons d'être reportée", a-t-il dit.
Pour l'instant, l'exécutif reste flou sur les économies censées être inspirées par le programme "Action publique 2022".
S'il a réaffirmé l'objectif de supprimer 50.000 postes dans la fonction publique d'Etat d'ici à 2022, seules 1.600 ont été confirmées en 2018 puis 4.500 en 2019. Pour 2020, l'objectif dépasse les 10.000 suppressions mais rien n'est encore inscrit dans le marbre.
De fait, la piste des économies ne convainc pas forcément.
Pour Michel Martinez, économiste de la Société générale (PA:SOGN), il est peu probable que le coût des différentes mesures annoncées pour répondre aux revendications des "Gilets jaunes" soit compensé par des économies, "d'autant plus que le président Macron n'en a évoqué aucune dans son discours".
"Selon toute vraisemblance, le déficit public 2019 dépassera le seuil de 3%. Nous ne prévoyons cependant pas qu'il s'approche de 3,5% du PIB, auquel cas il faudrait passer par des hausses de taxes sur les entreprises", écrit-il dans une note.
VERS UNE ENTORSE AUX RÈGLES EUROPÉENNES
Du côté de la majorité, le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, s'est prononcé en faveur d'une entorse ponctuelle au pacte européen de stabilité et de croissance.
Pour ce proche du chef de l'Etat, on peut accepter une augmentation "pas massive et strictement temporaire" du déficit public et "on retrouvera un rythme en dessous des 3%" du produit intérieur brut (PIB) en 2020.
Seule l'année de mise en place de la transformation du CICE sera marquée par un double coût pour les finances publiques, l'Etat devant assumer à la fois verser les 20 milliards de crédit d'impôt au titre de l'année précédente et les 20 milliards de baisse de charges au titre de l'année en cours.
L'Elysée a fait savoir lundi, après les annonces du président de la République, que la France ne remettait pas en cause son objectif de maîtrise de la dépense publique, précisant que l'objectif initial de déficit public pour 2019 hors CICE "laisse un peu de marge" pour la construction du budget.
La prévision de déficit public pour 2019 s'élève à 2,8% du PIB, mais hors impact ponctuel de cette bascule du CICE, elle s'établit à 1,9%.
Mais les discussions avec la Commission européenne - déjà en plein différend avec Rome autour de son budget - porteront sur la totalité du déficit public en 2019, et non sur le déficit corrigé de cet élément exceptionnel.
Les réponses de l'exécutif aux revendications hétéroclites des "Gilets jaunes" ont compliqué la donne budgétaire, alors que le projet de loi de finances 2019 doit être adopté d'ici la fin du mois.
Les mesures annoncées lundi par Emmanuel Macron viennent s'ajouter aux concessions déjà consenties la semaine dernière sur la taxe carbone et l'avantage fiscal sur le gazole non routier pour les entreprises, qui vont se traduire par un manque à gagner de quatre milliards d'euros.
Sans compter que le budget 2019 - dans sa version actuelle, avant l'intégration de cette série de dispositions - a été construit sur une prévision de croissance de 1,7%, qui apparaît désormais quasiment impossible à atteindre.
Les répercussions de ce mouvement de protestation entamé mi-novembre - qu'il s'agisse des blocages ou des violences qui l'ont émaillé - devraient en effet pénaliser la croissance de la fin d'année 2018 et par ricochet celle de 2019.
(Myriam Rivet et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)