Les attaques récentes d'actionnaires milliardaires ou de fonds spéculatifs contre Dell, Apple ou encore Herbalife montrent le retour sur le devant de la scène des investisseurs activistes, qui cherchent à s'immiscer dans la gestion des entreprises.
"C'est une tendance de fond, mais qui est devenue un peu plus médiatique qu'elle ne l'était", avec "des gens qui attirent l'attention volontairement sur ce qu'ils font", indique à l'AFP Gregori Volokhine, gérant de portefeuille chez Meeschaert New York.
Pour lui, "le cas typique, c'est (Carl) Icahn et (William) Ackman qui vont carrément s'insulter sur les ondes": les deux milliardaires, ennemis depuis des années et en désaccord sur le groupe de compléments nutritionnels Herbalife, avaient échangé des noms d'oiseaux en direct sur la chaîne de télévision CNBC.
William Ackman, à la tête du fonds spéculatif Pershing Square, accuse Herbalife de fraude pyramidale et a parié gros sur une baisse du titre. Carl Icahn déclare à l'inverse que l'entreprise est sous-évaluée et y a pris une grosse participation, tout comme un troisième milliardaire, Daniel Loeb, du fonds spéculatif Third Point.
Carl Icahn, spécialiste des raids boursiers hostiles, est un peu le symbole de l'investisseur activiste. La simple annonce de son entrée au capital d'une entreprise a souvent des effets notables sur son cours de Bourse. Il a beaucoup fait parler de lui depuis le début d'année: outre Herbalife, il a forcé le spécialiste suisse des forages pétroliers Transocean à verser un dividende à ses actionnaires, et s'oppose au plan du groupe informatique Dell pour quitter la Bourse.
Interventionnisme à double tranchant
Mais il n'est pas seul à s'agiter. Le projet de Dell est aussi combattu par les fonds Southeastern Asset Management et T. Rowe Price Associate. David Einhorn, du fonds spéculatif Greenlight Capital, réclame qu'Apple reverse une partie de ses 137 milliards de dollars de liquidités à ses actionnaires. Le fonds spéculatif Paulson s'oppose à la fusion entre les opérateurs mobiles T-Online USA et MetroPCS qu'il trouve trop endettés. Le groupe pétrolier Hess va remanier sa direction sous la pression du fonds Elliott Management.
Cet interventionnisme peut être à double tranchant.
"Ca dépend beaucoup de l'objectif de l'activiste", souligne Michael Gayed, un expert du conseiller en investissement Pension Partners. "Beaucoup ont de grosses participations dans les entreprises dont ils parlent", et il y a effectivement "des entreprises sérieusement sous-évaluées, que le marché punit injustement".
D'après Gregori Volokhine, c'est aussi "une bonne chose pour les actionnaires", s'ils sont davantage écoutés et si les entreprises sont poussées à leur rendre des comptes, à l'image de ce qui a déjà commencé à se passer avec les rémunérations des dirigeants.
"On est activiste pour gagner de l'argent, c'est clair", reconnaît-il. Mais "un activisme intelligent peut vraiment créer de la valeur", ou "du moins essayer", en influençant la direction "pour qu'elle gère mieux l'entreprise".
Third Point avait ainsi poussé vers la sortie l'an dernier le patron de Yahoo! Scott Thompson, et celle qui lui a succédé, Marissa Mayer, a amorcé un virage stratégique pour le groupe en perte de vitesse.
Mais "parfois les activistes vont argumenter que des actifs doivent être vendus car ils essayent de débloquer de la valeur", avec une vision seulement "à court terme", reconnaît Michael Gayed.
Gregori Volokhine critique aussi un activisme moins positif, "qui va uniquement essayer de faire monter ou baisser une action".
Il note ainsi que les demandes de versements exceptionnels aux actionnaires réclamés actuellement chez Dell et Apple vont certes "créer de l'argent à court terme", mais n'auront pas d'avantage à long terme pour les groupes.