Le marché français de l'immobilier de luxe voit affluer nombre de nouveaux biens dont les riches propriétaires veulent se défaire avant de partir à l'étranger pour échapper au durcissement de la fiscalité en France.
"C'est un peu l'affolement général. De 400 à 500 habitations de plus d'un million d'euros sont venus s'ajouter (récemment) au marché parisien", expliquent à l'AFP les dirigeants de Daniel Féau, un cabinet immobilier spécialisé dans l'immobilier de luxe.
Pour le moment, il n'y a pas d'exil massif comme en 1981 après l'élection du premier président socialiste François Mitterrand, estiment néanmoins les experts du secteur.
C'est surtout l'alignement, sur le barème de l'impôt sur le revenu, de la taxation de la plus-value enregistrée lors d'une cession d'entreprise qui incitent de jeunes dirigeants de start-up à déménager leur siège social. Ils partent accompagnés de leur famille, commente Didier Bugeon, directeur général de Equance, société de conseils en gestion de patrimoine.
Avec les nouvelles technologies répandues dans de multiples secteurs, "il est désormais possible de travailler de n'importe quel coin du monde en venant passer une semaine par mois en France", commente Thibault de Saint Vincent, président de Barnes France, principal concurrent de Daniel Féau.
"Ceux qui partent à l'étranger craignent une prochaine taxation sur les mouvements de capitaux", explique-t-il.
Daniel Féau note que "la typologie des départs a changé". "Ce ne sont plus de riches inactifs ou des rentiers mais des managers de grandes compagnies internationales, des entrepreneurs et des repreneurs d'entreprises beaucoup plus jeunes qu'auparavant, effrayés par la taxation des plus-values d'actions à 62,21% en taux marginal", détaille-t-il.
Si le phénomène de mise en vente de ces biens haut de gamme est contenu, nul ne sait comment il va se développer car il est récent. "Personne, jusqu'à présent, n'avait cru que les plus-values sur les actions seraient autant taxées", souligne-t-on chez Féau.
Dans la capitale française et dans la première couronne de la banlieue ouest, notamment à Neuilly, seuls 2.000 ventes par an dépassent le million d'euros.
Londres, New York et Genève, favorites
La province, comme Paris, n'échappe pas à cette tendance.
Thibault de Saint Vincent cite l'exemple typique d'un Niçois de 35 ans, propriétaire de deux restaurants et d'une villa, estimés entre 6 et 7 millions d'euros, exilé à Miami pour y vivre et travailler.
Les destinations favorites de ces nouveaux exilés sont surtout Londres, New York et Genève mais aussi le Canada, Israël et Singapour, précise Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France.
Bruxelles a, elle, les faveurs des retraités qui ont cédé leurs affaires ou qui veulent effectuer des donations à leurs enfants en étant moins imposés.
"L'an prochain, pour aller dîner chez des amis, je ne prendrai plus le taxi mais le Thalys pour Bruxelles ou l'Eurostar pour Londres", plaisante M. Demeure.
Il affirme enregistrer actuellement "une demande d'estimation par jour" pour des logements de luxe.
Conséquence: depuis 2 à 3 mois, le prix des grands appartements parisiens a baissé de 5%.
"Mais aucun effondrement n'est prévu car le marché de l'offre reste parcimonieux", commente-t-on chez Daniel Féau.
Enfin, les biens de plus de 4 millions d'euros ont surtout les faveurs d'acquéreurs étrangers.
"Un bien sur les quais de Seine est en train d'être cédé à un Chinois pour 35 millions d'euros. Une famille du Moyen-Orient vient (elle) d'acquérir, pour 15 millions, un haras près de Deauville" (Calvados), destination huppée à deux heures de Paris, indique-t-on chez Barnes France.