L'Italie, de nouveau dans la ligne de mire des spéculateurs, a réussi à refinancer mercredi une partie de son énorme dette à des taux bien plus faibles que précédemment, une bonne nouvelle pour le gouvernement Monti, mais une autre émission importante est attendue jeudi.
Le Trésor italien a placé pour 9 milliards d'euros de titres de la dette sur six mois à un taux de 3,251%, deux fois plus faible que lors d'une opération similaire datant du 25 novembre (6,504%).
Cette performance a été saluée par les investisseurs avec un bond immédiat de la Bourse de Milan (+1,2%) et un repli des taux des emprunts à 10 ans à 6,7%. Mais le répit a été de courte durée avec une inversion de tendance en Bourse (-0,85% en clôture) et une remontée des taux à 10 ans à 6,956%, soit près des fatidiques 7%.
Laurent Geronimi, directeur de la gestion des taux chez Swiss Life Gestion Privée, a souligné qu'en cours de journée, les opérateurs ont repris conscience des difficultés à venir pour la zone euro et "surtout de l'absence de visibilité pour 2012".
Pour l'émission italienne de certificats du Trésor (CTZ) à deux ans, les taux étaient aussi en forte baisse mercredi à 4,853% contre 7,814% lors de la dernière émission semblable datant de fin novembre.
Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis, a qualifié de "très bonne nouvelle" le net repli des rendements soulignant aussi que "la demande a été au rendez-vous".
Pour Gregorio de Felice, chef économiste de la banque Intesa SanPaolo, a souligné sur le site internet de Repubblica que "le succès du côté des investisseurs institutionnels a été déterminé surtout par l'octroi (récent) par la BCE de prêts à trois ans aux banques: ces liquidités d'un coût maximal de 2% ont permis aux banques d'acheter des bons du Trésor à six mois pour 3%".
Pour cet expert, "il sera fondamental de voir le résultat" de l'adjudication jeudi de 5 à 8 milliards d'euros d'obligations à 3, 9 et 10 ans, pour comprendre "si les investisseurs reprennent un peu confiance sur le long terme".
La faiblesse des volumes de transactions et un regain de scepticisme des marchés à l'égard de l'Italie et de sa colossale dette (1.900 milliards d'euros, 120% du PIB) avaient fait craindre une poussée de fièvre des taux italiens mercredi.
Avant le remplacement de Silvio Berlusconi par le technocrate Mario Monti le 16 novembre, les taux à 10 ans avaient dépassé pendant plusieurs jours les 7%, un niveau insoutenable faisant redouter un défaut de paiement de l'Etat italien.
Selon le Corriere della Sera, l'Italie devra refinancer sa dette à hauteur de 450 milliards d'euros en 2012, dont la moitié dans les quatre premiers mois de l'année, un véritable défi.
Pour Ugo Bertone, analyste renommé du site financier italien firstonline.info, "le premier trimestre de 2012 sera décisif pour la survie de l'euro car une grande bataille sera menée sur le front des obligations italiennes". M. de Felice, de Intesa, a estimé que "janvier sera le mois de la vérité avec des émissions pour 53 milliards d'euros".
Selon les spécialistes, la remontée des taux italiens ces derniers jours reflète des inquiétudes quant à l'impact récessif du plan anti-crise de M. Monti adopté avant Noël.
L'Italie s'attend à une contraction de 0,4% de son PIB en 2012, alors qu'elle a déjà un pied dans la récession (-0,2% au troisième trimestre).
Le gouvernement a promis une contre-offensive rapide afin de stimuler une économie qui connaît une croissance poussive de moins de 1% par an depuis 10 ans. Un calendrier d'action devrait être annoncé jeudi à la presse par M. Monti, qui a réuni ses ministres pendant trois heures mercredi.
"La réponse de l'exécutif a été rapide et forte sur l'assainissement des comptes, mais il faut maintenant des mesures pour éviter que le pays ne s'enfonce dans une récession sans espoir", a estimé M. de Felice.
M. Monti voudrait notamment libéraliser des secteurs comme les taxis et pharmacies et assouplir la législation du marché du travail, mais il a dû freiner du fait d'une levée de boucliers des associations de catégorie et des syndicats.
Pour réduire d'un seul coup la dette de 100 à 150 milliards d'euros, le gouvernement envisage aussi de vendre des biens immobiliers de prestige et des participations dans des entreprises publiques.