Location, achat ou construction de bateaux... crise oblige, l'âpre négociation des prix a gagné les milliardaires comme en témoignent leurs discussions sur les ponts de méga-yachts réunis cette semaine pour le salon annuel de la grande plaisance "Monaco Yacht Show".
"Avant la crise financière de 2008, on ne négociait pas", se rappelle Mathilde de Roffignac, spécialiste de la location chez International yacht collection. "Aujourd'hui cela fait partie du jeu, ce sont des hommes d'affaires", précise-t-elle en souriant.
Au total, 103 yachts de 25 à 90 mètres de long, dont une quarantaine sortis des chantiers navals en 2012, rivalisent de luxe, de modernisme et parfois d'excès. Comme chaque année, capitaines, armateurs fortunés, constructeurs de chantiers navals, équipementiers, agents de location se bousculent sur les quais du port de Monaco.
"On vend un art de vivre, les paillettes et le prestige, mais derrière c'est toute une économie qui profite aux ports de la Méditerranée", souligne Hein Velema, PDG du groupe monégasque Fraser Yachts, conscient que l'ostentatoire attire les critiques en période de vaches maigres.
Le marché de la vente s'est durci: "Les offres d'achat représentent parfois 60% du prix demandé", constate M. Velema. Un yacht moyen de 40 mètres de long avoisine actuellement les 12 millions d'euros.
"Les prix étaient au plus haut de 2006 à 2008, avant d'enregistrer en 2009 une chute de 40% puis une certaine stabilité", relève le dirigeant, qui espère une reprise "avec le réveil du marché américain". Les Asiatiques commencent aussi à passer des commandes.
Miroirs avec écrans de télévision
Quant au micro-marché des géants de plus de 100 mètres (pouvant coûter plus de 200 millions d'euros), il se porte au beau fixe avec quelque 25 yachts et une quinzaine en construction. Un 180 mètres deviendra le plus gros du monde en 2014.
Autre illustration de la crise: les propriétaires russes ou moyen-orientaux "contrôlent leurs dépenses". "Les équipages sont beaucoup plus petits en hiver, étoffés durant le pic de juillet-août", note-t-il.
Sur un superyacht de plus de 24 mètres, comptez 4 millions de frais annuels, plus 5 à 10% de dépenses (assurances, équipage, ancrage, carburant, nourriture).
Les trois quarts des grands yachts sont mis en location en Europe par leurs riches armateurs, qui les utilisent quelques semaines seulement en été. Un yacht d'une cinquantaine de mètres se loue 200.000 euros la semaine.
"Nos clients prennent peu de vacances", dès lors la qualité de l'équipage, sur le modèle d'un service hôtelier haut de gamme avec cuisinier ou masseuse, est primordiale, souligne Mathilde de Roffignac. Il s'agit d'exaucer tous leurs souhaits, comme une place d'amarrage à Monaco ou Saint-Tropez le jour de leur choix.
"Globalement, ce n'est pas la navigation qui leur plaît, ce sont les jouets nautiques comme le jet ski ou le toboggan", ou encore les arrêts sur la Côte d'Azur, explique-t-elle. Les Américains et les Russes restent de bons clients, les Brésiliens ont fait une apparition remarquée.
Pour plaire à tous, la tendance est au design épuré, aux matériaux naturels comme le bois, aux tons neutres.
Mais les mégayachts de plus de 60 mètres affichent souvent des goûts plus personnalisés, à l'instar du "Diamonds are forever", titre d'un film de James Bond, construit par l'Italien Benedetti et livré en janvier à un magnat américain de l'industrie automobile. C'est lui qui accueille sur le pont les amateurs prêts à le racheter pour 63 millions d'euros.
Ce passionné de construction nautique n'a pas hésité à ponctuer la décoration années 30 de tableaux de femmes fatales parées d'éclats de cristal ou de miroirs avec écran de télévision pour suivre en se rasant les aventures de l'agent OO7.