par Renee Maltezou et John O'Donnell
ATHENES (Reuters) - Le gouvernement grec a transmis ses nouvelles propositions à ses créanciers de la zone euro dans l'espoir d'obtenir de l'argent frais et d'éviter la faillite et demandera vendredi au Parlement de voter un certain nombre de mesures immédiates.
Dans ses propositions mises au point jeudi et transmises en fin de soirée, la Grèce se plie aux exigences de ses créanciers. Elle prévoit notamment une hausse des taxes sur le transport maritime et une suppression, pour la fin 2016, de la fiscalité avantageuse dont bénéficient ses îles, composantes essentielles de l'industrie du tourisme.
En échange des efforts consentis, Athènes réclame un financement de 53,5 milliards d'euros pour couvrir les obligations liées à sa dette jusqu'en 2018. Le gouvernement de la gauche radicale du Premier ministre Alexis Tsipras veut aussi que ses créanciers revoient les objectifs en matière d'excédent primaire pour les quatre prochaines années et un "reprofilage" de la dette à long terme.
Le président de l'Eurogroupe des ministres des Finances de la zone euro, Jeroen Dijsselbloem, a confirmé avoir reçu les propositions, mais ne fera pas de commentaire sur ces nouvelles propositions tant qu'elles n'auront pas été évaluées par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI).
Ces mesures devraient satisfaire les marchés boursiers. A l'annonce du contenu, les contrats à terme sur les indices boursiers américains étaient en hausse de 1% en Asie.
La Vouli, le Parlement grec monocaméral, sera convoqué vendredi pour autoriser le gouvernement à négocier une série d'"actions préalables" à prendre avant de recevoir les premières aides. Cette étape est cruciale pour convaincre des créanciers sceptiques du sérieux des intentions grecques.
Les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont prévu de se réunir en sommet dimanche pour évaluer les propositions de réformes. S'ils estiment qu'elles peuvent servir de base à des négociations pour un prêt de trois ans et à des crédits relais pour maintenir la Grèce à flot, la Vouli se réunira alors à nouveau la semaine prochaine pour transformer les propositions en lois.
PRIVATISATIONS
Signe d'éventuelles difficultés à venir, le chef des Grecs indépendants, parti allié à Syriza au sein de la coalition au pouvoir, n'a pas signé la liste des propositions. Les Grecs indépendants ont menacé de retirer leur soutien au gouvernement en cas de suppression des exemptions d'impôts dont bénéficient les îles.
Le ministre de l'Energie, Panagiotis Lafazanis, qui représente la gauche de Syriza, n'a pas non plus signé.
Les propositions adressées jeudi soir par la Grèce prévoient aussi un relèvement de la TVA sur la restauration à 23% (à 13% pour l'hôtellerie), de présenter une réforme des retraites et de fixer un calendrier ferme pour les privatisations de différentes propriétés de l'Etat dont le port du Pirée et les aéroports régionaux.
La Grèce propose notamment de supprimer par étapes à l'horizon fin 2019 le complément de pension pour les retraités les plus modestes (Ekas).
Elle prévoit aussi de réduire les dépenses en matière de défense d'un montant de 300 millions d'euros d'ici la fin 2016.
La Grèce vit au rythme du contrôle des capitaux depuis le 29 juin avec des banques fermées et les retraits aux distributeurs de billets rationnés après l'échec des précédentes négociations de sauvetage.
Le 30 juin, la Grèce a fait défaut sur un remboursement de 1,6 milliard d'euros dû au FMI. Elle doit aussi faire face à un remboursement de 3,49 milliards d'euros dû à la BCE le 20 juillet, auquel elle ne pourra procéder sans aide.
Depuis 2010, la Grèce a bénéficié de deux plans de sauvetage de la part de la zone euro et du FMI qui prévoyaient des financements contre l'instauration de mesures d'austérité, mais dans le même temps, le produit intérieur brut (PIB) du pays a diminué du quart, tandis que le taux de chômage montait à 25%.
Quelques heures avant l'expiration de la date limite pour la présentation des réformes, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a reconnu que l'effacement d'une partie de la dette de la Grèce pourrait être nécessaire pour la rendre supportable tout en excluant cette éventualité.
Il a fait valoir que les règles européennes empêchaient d'effacer une partie des créances sur la Grèce.
Il n'a pas dit comment faire pour résoudre ce paradoxe, mais il a indiqué qu'il y avait toutefois des possibilités limitées de réaménagement de la dette grecque avec notamment une extension des échéances et un abaissement des taux d'intérêt pratiqués.
Selon le calendrier prévu, les trois institutions représentant les créanciers (CE, BCE, FMI) livreront leur évaluation initiale vendredi soir. Si elle est globalement positive, l'Eurogroupe des ministres des Finances de la zone euro décidera samedi de l'utilité d'ouvrir des négociations avec Athènes à un prêt sous condition du Mécanisme européen de stabilité (MES). La décision nécessite l'assentiment de pays représentant 80% du capital du MES.
Après la large victoire du "non" qu'il avait prônée au référendum de dimanche dernier pour rejeter les termes du précédent plan de sauvetage, Alexis Tsipras est en meilleure position pour imposer des mesures difficiles et faire face à la résistance des Grecs.
(Renee Maltezou et Costas Pitas; Danielle Rouquié pour le service français)