Les négociations syndicats-patronat voulues par le gouvernement pour autoriser les entreprises à ajuster travail et salaires à la conjoncture se sont ouvertes vendredi par un flot d'interrogations sur leur périmètre, les syndicats refusant de les mener sous le "diktat" de l'exécutif.
Après trois heures de discussions, les centrales syndicales (CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO et CGT) et le patronat (Medef, CGPME, UPA) sont convenues de se revoir au moins trois fois, la dernière date étant fixée au 13 avril, une semaine avant le premier tour de l'élection présidentielle.
En annonçant ce calendrier, les partenaires sociaux ont insisté sur le fait qu'ils ne souhaitaient pas être bousculés alors que Nicolas Sarkozy leur avait donné fin janvier deux mois pour aboutir, faute de quoi il menaçait de légiférer.
"On avance à la vitesse où l'on peut avancer", "le climat étant quand même à la responsabilité", a commenté Patrick Bernasconi, le négociateur du Medef. Cette première réunion a permis "de poser un ensemble de questions auxquelles on n'a pas répondu pour l'instant", "chacun reviendra la prochaine fois avec des thématiques hiérarchisées", a-t-il ajouté.
Tous les syndicats, qu'ils soient fermés à la discussion de fond comme FO et la CGT, ou plus ouverts pour les autres, ont refusé "de se laisser enfermer dans un agenda contraint", a résumé Mohammed Oussedik (CGT). La réunion a confirmé "qu'il fallait prendre le temps pour ne pas être sous le diktat du politique", a souligné Marcel Grignard pour la CFDT.
Avec les accords dits "compétitivité-emploi", Nicolas Sarkozy leur demande de négocier un cadre juridique national permettant de modifier temps de travail et/ou salaires directement avec un accord collectif. Les accords de ce type, très pratiqués en Allemagne, sont déjà possibles. Mais jusqu'à présent, ils exigent d'avoir le consentement individuel des salariés concernés.
Malgré ces "circonstances un peu particulières" liées à l'agenda politique, M. Bernasconi (Medef) voit "se dessiner un champ pour avancer".
Les syndicats, qui souhaitent un périmètre le plus large possible, sont donc sortis de la négociation avec une batterie de questions.
Vers "quelle hiérarchie" entre le contrat individuel du salarié et les accords collectifs va-t-on, s'interrogeait Joseph Thouvenel (CFTC) et "comment détermine-t-on que l'entreprise connaît un problème conjoncturel ou structurel" qui justifierait que les salariés acceptent de baisser leur salaire.
Stéphane Lardy (FO), qui dénonce une "logique de supermarché du patronat", s'interrogeait lui "sur la répartition des pouvoirs au sein de l'entreprise", car en Allemagne ce type d'accords reposent sur des pratiques de cogestion.
Pour la CGT, cette première réunion "a confirmé que le Medef souhaitait aller vers plus de flexibilité et de dérégulation" avec des accords qui sont "des chantages à l'emploi".
Selon la CFDT, "il y a eu consensus sur le fait que la loi Warsmann était malvenue". Un article de cette loi votée le 31 janvier en seconde lecture par les parlementaires UMP propose déjà de se passer de l'accord du salarié en cas de "modulation" de la durée de travail (c'est-à-dire la répartition du temps sur tout ou partie de l'année, sans toucher à son volume et donc aux salaires). Le Medef a concédé qu'il s'agissait "sans doute d'un élément perturbateur".
Le triptyque salaires-emploi-durée du travail sera au coeur des prochains débats. Les négociations ne devraient pas déboucher sur un nouvel assouplissement du droit du travail avant la fin du quinquennat. Un éventuel projet de loi déposé en cas d'impasse ne pourrait en effet pas être voté avant la présidentielle.