Les plans sociaux déclenchés ces dernières semaines tombent sous le coup de la récente loi française sur la sécurisation de l'emploi et les premières entreprises à essuyer les plâtres - Sanofi, Canon, Ricoh ou encore Aperam-, sont observées à la loupe.
Fruit d'un accord entre le patronat et trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC), la loi du 14 juin, ardemment souhaitée par le président François Hollande, a changé la donne pour les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Depuis le 1er juillet, tout projet visant à supprimer plus de dix postes dans une entreprise de plus de 50 salariés doit ainsi être validé par un accord avec des syndicats représentant 50% des salariés, ou être homologué par l'administration.
Les partenaires sociaux disposent de 2, 3 ou 4 mois -en fonction de l'ampleur du plan- pour négocier le contenu du PSE.
La loi vise notamment à éviter des procédures à la Goodyear, qui depuis l'annonce en janvier de la fermeture de l'usine d'Amiens-nord enchaîne les réunions sans avancée significative et les procédures judiciaires. Du côté des premières entreprises concernées, cette nouvelle situation fait un peu peur.
"C'est en accéléré. Nous n'avons aucune marge de manœuvre. C'est très court", déplore Antonio Serodio, représentant CFDT chez Aperam (sidérurgie). Un plan qui concerne 71 postes (fermeture d'une usine) a été lancé en juillet, les négociations devant être bouclées au 5 septembre, malgré la pause estivale.
Chez Sanofi, les syndicats ont obtenu "un bonus" de temps avec des "pré-négociations" de trois mois qu'ils espèrent utiliser pour influer sur les suppressions de postes (207 nettes à ce stade) et les mobilités. Thierry Bodin (CGT) compte ainsi améliorer "la pérennité de l'activité" avant le début de la négociation fin septembre.
Les syndicats mesurent l'"enjeu majeur" d'être les défricheurs de la nouvelle loi. Ils relèvent que le géant pharmaceutique est aussi conscient d'être l'objet de tous les regards, y compris du gouvernement.
"Nous voulons montrer un peu l'exemple pour toutes les autres entreprises qui seront amenées à discuter après nous", explique à l'AFP Stéphane Galiné (CFDT). "Si chez Sanofi, nous n'arrivons pas à avoir le top du top, imaginons dans les petites entreprises qui n'ont pas trop de moyens, c'est la porte ouverte à tout", dit le responsable dont le syndicat a été un des promoteurs de l'accord.
Un peu de "panique" chez les élus
Chez Canon, en revanche la négociation d'un plan de quelque 250 suppressions de postes nets a déjà commencé. Elle doit durer jusqu'au 2 décembre, indique Pierre Arnold (CFDT), qui prévient que pour signer un accord, il faudra avoir "la certitude qu'il y aura zéro licenciement subi".
Faute d'accord, ou même d'emblée, l'entreprise peut aussi soumettre son projet à l'administration. Celle-ci a alors deux à trois semaines pour se prononcer sur la régularité et la "conformité" du contenu du plan au regard des "moyens"de l'entreprise.
Le gouvernement et les syndicats signataires poussent toutefois à la négociation. C'est par exemple le mot d'ordre donné par la fédération CFDT métallurgie à ses troupes sur le terrain. Elle leur fournit une aide juridique et les invite à recourir à un expert.
Mais certains responsables syndicaux restent un peu perdus face à toutes ces nouvelles procédures. La nouvelle loi provoque un peu de "panique chez certains élus moins au fait" de ses subtilités, indique ainsi Thang Doan, syndicaliste CGT chez Ricoh, fabricant de produits bureautiques qui a engagé en juillet des discussions sur la suppression de 338 postes.
Les confédérations syndicales surveillent tout cela attentivement, même si elles indiquent avoir peu de remontées de terrain à ce stade.
Si des plans récents ont été déclenchés avant la loi, comme ceux prévus par IBM ou Michelin (respectivement 689 et 730 postes voués à être supprimés), les syndicats ne manqueront pas d'autres sujets d'étude à la rentrée, comme chez Darty où les partenaires sociaux entreront dans le vif du sujet sur une restructuration d'ampleur.